lundi 9 mai 2016

1900-1904 : de Montpellier à Paris, et de la lutte anti-cléricale.

Maurice ETIENNE

Sous-Lieutenant au 367ème Régiment d'Infanterie


Chapitre III

1900-1904 : de Montpellier à Paris, et de la lutte anti-cléricale.


Le 6 janvier, j'étais nommé Chevalier de la Légion d'Honneur, puis reçu solennellement sur l'Esplanade. L'hiver se termina gaiement en diverses réceptions grâce à nos relations dont le nombre s'augmentait chaque jour. Malheureusement la famille Paul Blanchet nous quitta à Pâques pour revenir à Rives. M. Paul Blanchet devait mourir peu de mois après. Sa femme mourut à Nice vers le mois de septembre 1920. Quant à Marguerite, leur fille, elle épousa l'année suivante M. Paul Gillet, industriel lyonnais.

Notre vie ne présenta aucune particularité jusqu'aux vacances, où une villégiature nous fut imposée. En juin, au cours d'une tournée d'inspection où j'assistais le général en chef, celui-ci souffrant toujours de son eczéma, décida de passer avec Madame Faure-Biguet les deux mois caniculaires dans la Lozère. A la suite d'une reconnaissance minutieuse, son choix se porta sur le Château de Séjas, à 7K de Marvejols, appartenant à M. de Salaberry. Pour permettre au général de continuer à exercer son commandement, je fus invité à m'installer moi-même à Marvejols. Je recevais le cousin du Chef d’État-Major et je le préparais à la signature du général chez qui je me rendais chaque jour à cheval. Je passai ainsi trois mois avec ma famille à l'Hôtel Bourdel, d'une propreté due principalement à un incendie qui venait de la faire reconstruire à neuf. Nous y étions extrêmement bien soignés et, à cette époque, les prix de toutes choses étaient très bas. Les perdreaux, les truites de la Cologne, les lièvres et les écrevisses, etc.. s'y donnaient littéralement. Ce furent trois mois de réjouissances pour les enfants. Naturellement, les Robert vinrent nous rejoindre, et les excursions furent aussi nombreuses qu'intéressantes. Je citerai surtout le château de Las Cases. A Marvejols même, on trouvait des relations fort agréables, comme le Marquis de Chambrun, député, son beau-frère M. Savorgnan de Brazza, l'explorateur bien connu, ainsi que de nombreux industriels, riches et accueillants. Nous nous liâmes d'amitié avec le jeune Rouchy, notaire, sa famille, et avec un capitaine de gendarmerie Simonpoli, fruste et amusant, qui nous rendit des services.

Maurice s'était beaucoup attaché à M. Rouchy, qui flattait sa passion pour les fruits en le menant très fréquemment dans un beau verger. A la suite d'une ingestion exagérée de reines-claudes, Maurice eut un violent embarras gastrique fébrile qui menaça de dégénérer en fièvre typhoïde. Le médecin local employa les grands moyens. Le premier jour du traitement, un purgatif, de la limonade Roger, dont l'effet fut nul. Le 2ème jour, de l'eau de Rubinat, dont l'effet fut identique. Enfin, le 3ème jour, une bonne dose de calomel, à la suite de laquelle la maladie dut capituler. A part cette imprudence, Maurice rentra très fortifié et grandi.

Au mois de juillet, nous apprîmes la naissance d'un neveu, Jean Lacuire, troisième fils de ma sœur Thérèse, né le 13 à Nice.

A la rentrée, Maurice commença sa cinquième. Il avait dix ans, âge un peu faible pour cette classe. Il travaillait convenablement, réussissait bien en diligence et en histoire, mais éprouvait quelques difficultés pour le latin et le grec. Magdeleine était en tête de sa classe au Sacré-Coeur. Elle était d'une force remarquable au croquet. Son portrait ci-contre nous la montre couverte de médailles d'honneur et de grands rubans.

Magdeleine Etienne

Nous avions retrouvé une de nos excellentes relations de Paris, la famille du Commandant du Génie Hanoteau, dont le fils aîné, Pierre, se couvrait de gloire au Lycée. Pierre et Magdeleine, par la force des choses, firent connaissance très jeunes, pour en venir à l'hyménée, en 1912.



Année 1901

L'hiver n'offrit rien de bien saillant. On célébra avec beaucoup de pompe et d'entrain le mariage de mon camarade, le Capitaine Joba, avec la fille du Général du Génie Nassoy.

Nos enfants s'étaient fait une foule d'amis, notamment les enfants du Colonel de Lamaze, du Général Houdaille, du Colonel Marabail, devenu plus tard général, etc. Dès qu'on pût se baigner, à partir de juin, deux fois par semaine, on prenait le break du Régiment d'Infanterie et on se rendait à Palavas. C'étaient de très joyeuses réunions.

Le 21 juin, eut lieu la première communion de Maurice au Collège Catholique. La cérémonie fut très brillante et touchante. Mon beau-frère Joseph avait de nouveau fait le déplacement de Grenoble. Le 22, nous allâmes tous déjeuner à Canet, ce qui permit à Joseph de se remémorer cette cité où avaient résidé de nombreux membres de sa famille. Nous fîmes visite au ménage Benker, beau-père et frère de nos proches parents Paul Vidil.

A la fin de juillet, le général Faure-Biguet reçut de son ami, le Président Loubet, l'assurance de sa nomination au poste de Gouverneur Militaire de Paris pour le mois de septembre. Comme la chaleur était torride, j'envoyai ma smala en villégiature à la Salvetat, mais cette fois sans les Robert, empêchés. C'est là que se termina le séjour de ma famille dans le Midi. Mais avant de quitter Montpellier, nos deux aînés firent des adieux émus aux deux grands établissements d'instruction qui leur avaient inculqué les premiers principes sérieux, et qu'ils ne devaient plus jamais revoir. Dans la tourmente anticléricale qui soufflait alors, les Pères Jésuites et les Dames du Sacré-Coeur ne tardèrent pas à être dispersés, et leurs magnifiques établissements spoliés.

Dès septembre, je suivis le Général à Paris, où il fit, le 19, son entrée solennelle aux Invalides, Quartier Général des gouverneurs. Le même jour, il y eut un grand déjeuner au Cercle militaire, avenue de l'Opéra, en l'honneur du prédécesseur, le Général Florentin, que je devais avoir pour chef plus tard, pendant huit années, à la Grande Chancellerie de la Légion d'Honneur.

J'occupai quelques jours de loisir à chercher des appartements et j'en trouvais un très commode, d'un prix très raisonnable, à coté des Invalides. C'était au troisième étage du 17 avenue de Tourville.

Ma famille quitta la Salvetat le 25 septembre, revint à Béziers où elle passa quelques jours chez les Robert pour les adieux, pendant que moi-même, à Montpellier, je procédais au déménagement. Ma femme et mes enfants partirent de Béziers le 30 septembre, firent escale à Marvejols pendants 24 heures, et arrivèrent à Paris le 2 octobre pour la rentrée des classes. Nous ne devions plus quitter la capitale.

Il fallut au plus vite songer aux études de nos enfants. Comme le Sacré-Coeur de la rue de Varennes venait d'être fermé, Magdeleine fut mise externe chez Madame Bertier rue Surcouf. Elle y réussit très bien, tout en menant une vie joyeuse avec ses amies : Alice Houdda, Marie Fromage, Marie Fléchette, etc. Elle avait comme professeur de dessin Mlle. Lajourdie, qui donna aussi des leçons à Maurice. Quant à ce dernier, il entra en quatrième au Lycée Buffon où il apparut nettement qu'il était trop jeune pour sa classe et qu'il devait la redoubler. Très grand pour son âge, un peu étourdi quoique doué d'un excellent cœur, il avait quelquefois des démêlés avec ses surveillants et avec ses camarades, moins robustes que lui. Il avait emporté de Montpellier un assez violent accent du midi qui excita l'hilarité de sa classe aux premières récitations de leçons. Cet accent se perdit vite.

Nous fûmes rejoints à Paris par mon ancien secrétaire du Q.G. de Montpellier, l'Adjudant Cluzel, et par le Docteur Saltet qui nous avait soigné avec le plus entier dévouement. Nous avions repris notre cuisinière, Alphonsine, qui ne tarda pas à nous quitter de nouveau et définitivement, à cause de Simone qu'elle ne voulait absolument pas laisser soigner par une autre qu'elle.

Nous retrouvâmes à Paris la sœur de ma femme, Marie Keisser, et ses enfants, Hippolyte et Adèle. Ma belle-sœur inculqua à Magdeleine les premiers principes sérieux de piano. A cet effet, j'achetai chez mon camarade de promotion de l'X, Gustave Lyon un excellent instrument (Pleyel). Ce fut mon cousin Charles Mathieu qui l'étrenna en novembre 1901. Charles était venu à Paris pour devenir artiste et compositeur de musique ; il devait finir comme professeur de piano à Bourgoin (Isère).

Ici se place, pour ne plus en parler désormais, un événement qui devait exercer une influence capitale et néfaste sur toute ma carrière de Chef de Cabinet du Gouverneur Militaire de Paris… J'avais été classé N°1 sur l'ensemble des capitaines d'Artillerie du gouvernement militaire, pour le grade de Chef d'Escadron. Je le savais d'autant mieux que c'est à mon bureau qu'on faisait le travail d'avancement. L'hostilité du Ministre de la Guerre André, tant contre le Gouverneur que contre moi, à cause de mes opinions soi-disant cléricales, fit qu'il me raya du tableau d'avancement, cette année et les années suivantes, avec obstination, malgré toutes les démarches de mes chefs. En sorte que, passé capitaine avec un beau choix, sorti dans un bon rang de l’École Supérieure de Guerre, je dus passer Chef d'Escadron à l'ancienneté. Le malheur voulut que ma carrière se joua pendant ce déchaînement de passions anticléricales, funeste à moi surtout, ancien élève des Pères Jésuites, ayant fait élever mon fils chez les Pères et ma fille au Sacré-Coeur.



Année 1902

L'année 1902 ne nous apporta aucun événement heureux. L'hiver fut morose. Au début, ma femme ne se portait pas très bien et elle dut bientôt s'aliter par suite de surmenage dans les soins à ses enfants. Le docteur Saltet finit par reconnaître la nécessité d'une intervention chirurgicale qui fut exécutée à la maison même, par un chirurgien des Hôpitaux de Paris, le docteur Bouglé (mort 2 ans après). La malade fut sauvée, mais il ne fallut pas moins de six semaines de lit. Pendant ce temps, Simone était couchée dans la chambre adjacente, avec une bonne fièvre scarlatine. A peine était-elle remise que Maurice reprenait les oreillons. Si on y ajoute nos embarras domestiques dus au départ d'Alphonsine, on verra que les soucis ne me manquaient pas.

Simone à 5 ans

Au mois de juin, comme il était urgent de liquider toutes ces convalescences par une bonne villégiature, je fis une reconnaissance en Normandie, le long des côtes, et je trouvais une gentille installation à Riva-Bella (port d'Ouistreham), près de Caen, sur une jolie plage. C'était une villa neuve et coquette, avec une tour carrée munie d'un drapeau qu'on hissait les jours de grand pavois, dite pour cette cause « Villa la Tourelle » et appartenant à M. Georges.

Toute la famille y passa deux mois et demi, y compris Madame Keisser et sa fille Adèle. Ce fut une saison délicieuse. Malheureusement Maurice se blessa le pied sur une roche coupante et dut rester assis ou couché une partie des vacances. D'ailleurs, il n'en revint que mieux portant et plus reposé.

Ce fut pendant le séjour à la mer, au mois de juillet, que nous apprîmes le décès à Eybens (près de Grenoble) de notre cousine Cécile Vidil, femme de Jean Édouard Vidil, ex-tuteur de mon épouse. Ce fut pour nous une bien grande tristesse, car ma femme avait toujours été traitée comme une véritable enfant dans cette famille.

Cette villégiature fut l'occasion de très intéressantes excursions sur toute la côte normande, à Trouville, Cabourg, Luc-sur-Mer, Langrune etc.. puis à Caen.

Vers le 25 septembre, tante Marie Keisser et Adèle nous quittèrent et, peu après, nous reçûmes l'avis de fiançailles de notre nièce Adèle avec le jeune Charles David, futur élève de l’École Centrale de Paris.

Nous rentrâmes le 30 septembre pour le commencement des classes. Maurice, qui avait bien travaillé pendant les vacances, refit sa quatrième avec M. Barbier comme professeur et occupa de suite un rang honorable. Toutefois, il fut toujours en froid avec le grec. L'hiver n'offrit aucun événement mémorable.


Année 1903

La première passion de Maurice fut la collection des timbres-poste. Il s'était lié au Lycée Buffon avec un camarade de classe, d'un an plus âgé que lui, Henri Codet, fils d'un médecin de Paris, ancien Major de l'Armée. Ce jeune homme, d'un naturel appliqué et plus réfléchi que d'ordinaire chez les jeunes gens de son âge, avait le goût des collections, en général. Il se destinait à la médecine, cultivait les sciences pures et naturelles. Il fut plus tard Interne des Hôpitaux de Paris, docteur et spécialiste des maladies mentales. Tout jeune, il exerça sur Maurice une très grande influence, plutôt salutaire. Ce fut lui qui guida les premiers pas de Maurice dans les sciences philatéliques. Mais cette occupation ne fut pas de longue durée ; elle céda bientôt le pas à la pratique exclusive des sports.

Outre le travail normal des classes, Maurice prenait des répétitions de dessin avec Mlle. Lajourdie, et d'allemand avec Mlle. Schaefer. Cette dernière donnait d'excellentes leçons de piano, pour débuter, à Magdeleine qui fit de rapides progrès.

A cette époque, nos enfants étaient grands amis avec les jeunes Houdaille et faisaient ensemble de grandes parties dans le parc de St. Cloud. La santé générale se maintenait bonne, sauf une alerte du coté de Simone qui eut des velléités de fièvre typhoïde et de pleurésie, vite enrayées.

Au mois d'avril, eut lieu à Grenoble la mariage de notre jeune cousin Auguste Clément, Avoué à la Cour, fils d’Émile Clément, Greffier en Chef du Tribunal Civil, avec Mlle. Marthe Grolée, fille de l'avocat ancien Bâtonnier. J'assistais à une belle cérémonie et à un superbe dîner au Grand Hôtel.

De là, je me rendis à Nice pour voir mes sœurs. J'ai déjà dit que Madame Hermil, en quittant Grenoble, s'était installée à Antibes. Au bout d'une année, fin 1898, elle préféra Cannes en raison des facilités d'éducation de ses enfants et de la proximité de son médecin traitant, le docteur Darembert. Enfin, en 1902, les Pères Maristes de Cannes ayant été expulsés, les nécessités de l'instruction d'André l'obligèrent à venir à Nice où elle retrouva notre sœur Thérèse Lacuire. En effet, mon beau-frère Lacuire, en quittant Paris, avait été nommé au Lycée de Roanne, en 1897, puis, profitant d'une vacance au lycée de Nice, il avait eu la chance de s'y faire nommer en 1899 pour ne plus le quitter. La famille se regroupait donc sur les bords du Paillon. Le jeune André Hermil, qui se distinguait déjà à Cannes chez les Pères Maristes, devait se couvrir de gloire au lycée de Nice.

Quant aux miens, il fallut songer à leurs vacances et nous nous décidâmes à les passer à Lans, dans une villa louée en commun par mes sœurs et moi. Cette réunion des trois familles, Etienne, Hermil et Lacuire, dont 7 enfants, fut pleine de gaîté. La maison louée était la maison Bernard, la seule habitable dans le pays, à 1100 mètres d'altitude. Les lieux d'excursion ne manquaient pas : Autrans, Méaudres, la Villard-de-Lans, St. Nizier, le col de l'Arc…

Maurice avait reçu de son oncle une superbe bicyclette Gladiator. Madame Eugène Etienne et leurs enfants Capdepon étaient descendus à l'Hôtel Mayousse. Les Gonnet, avec leurs trois enfants, avaient loué une petite maison. M. Émile Clément et l'oncle Joseph vinrent passer quelques jours, en sorte que la concentration de la famille fut très complète. Mais la mort devait bientôt y créer des vides cruels.

Le 29 septembre, les familles se dispersèrent pour la rentrée des classes. Maurice abordait la Troisième A (latin et grec), toujours au lycée Buffon, Magdeleine la classe de préparation au brevet simple.

Un changement allait se produire dans ma situation. Le général Faure-Biguet atteignant la limite d'âge (il était né en octobre 1838 et allait avoir 65 ans) quittait le poste de Gouverneur Militaire de Paris et j'abandonnai mon emploi. Grâce à l'appui du Général, j'obtins l'autorisation d'accomplir un stage d'un an à Paris, au 104° d'Infanterie, Caserne Latour-Maubourg, à deux pas de l'avenue de Trouville où nous habitions. J'étais sous les ordres du Colonel Polène, devenu Commandant du 17° Corps d'Armée et je commandais une compagnie dans le Bataillon du Commandant Pétain, devenu plus tard Maréchal de France.

Pendant que cette mutation s'effectuait, dans les premiers jours d'octobre 1903, notre jeune cousin Julien Gonnet venait à Paris pour préparer l’École Polytechnique dans la Maison des Pères de la rue Lhomont, où j'avais fait moi-même mes études. Ses parents me demandèrent d'être son correspondant, mais ce ne fut pas - hélas - pour une période de longue durée. Six semaines après, un télégramme du père me chargea d'aller chercher sans retard son fils et de le diriger sur Grenoble, avec tous les ménagements possibles sur les motifs de cette brusque décision. En effet, la fille aînée des enfants Gonnet, Madeleine, se mourrait d'une méningite qu'on n'osait pas avouer tuberculose. La pauvre enfant, âgée de 18 ans à peine, charmante, ayant par ailleurs tout ce qui contribue au bonheur, décédait quelques jours après.

Julien fut bientôt atteint lui-même par la contagion. Grâce à la rigueur de sa constitution, il pût résister longtemps, mais finit par succomber en 1913. De ces 3 beaux enfants Gonnet, il ne reste plus qu'Albert, veuf lui-même (1921), très jeune, avec deux enfants en bas âge.


Année 1904

La fin de 1903 n'avait amené aucun autre événement saillant. Maurice s'entendait mal avec son professeur de 3ème, M. Rogerie, et il en résultait quelques retenues. Magdeleine et Simone jouaient fréquemment au Luxembourg, sous la garde de Maman.

Maman, Simone, Magdeleine et Maurice, au jardin du Luxembourg

Quant à Maurice, en dehors du tennis au Luxembourg, je le menais quelquefois voir des courses de chevaux à Auteuil, où j'avais des cartes gratuite de pesage. Parfois, je le menais au salon de peinture. La photographie ci-dessous nous représente, de dos, le groupe le plus à droite, sur le pont Alexandre III, au moment où nous allons au Salon des Artistes Français.

Maurice et moi, à droite, pont Alexandre III

Par ailleurs, plusieurs familles polytechniciennes (Sentis, Pauzat, etc.) s'étaient entendues avec nous pour des leçons de danse très intéressantes qui avaient lieu chaque dimanche, tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre, alternativement, et se terminaient par un plantureux goûter. La famille Hanoteau en faisait partie, naturellement.

Le 25 janvier 1904 fut marqué par un deuil très douloureux pour nous. M. Émile Clément, Greffier en chef au Tribunal Civil de Grenoble, fut emporté très rapidement à l'âge de 62 ans. Il avait épousé ma cousine germaine, Augustine Etienne, née à St. Lattier (Isère), berceau de ma famille, en 1856. Lui-même était originaire de Châtillon St. Jean (Drôme) près de Romans.

Depuis la dispersion de notre famille, la belle villa de M. Clément, 4 quai des Allobroges à Grenoble, était devenue notre véritable centre, la maison-mère. On était sûr d'y trouver toujours l'accueil le plus affectueux et l'hospitalité la plus large. D'ailleurs, sa veuve a continué cette tradition. Aussi ne manquai-je pas de faire le déplacement pour venir rendre les derniers devoirs à notre cousin si regretté, qui fut inhumé au cimetière de La Tronche dans leur caveau de famille. Son greffe revint à son fils aîné, Antoine Clément, alors âgé de 30 ans environ. L'année précédente, son second fils avait acheté à notre cousin Aimé Gonnet son étude d'avoué à la Cour de Grenoble.

Du printemps 1904 date l'évolution de Maurice vers les sports. Trop jeune pour s'attaquer au football, il accompagna Henri Codet dans diverses réunions extra-muros et, grâce à son développement physique précoce, il se fit remarquer dans les courses à pied et dans le saut. Enhardi par ces premiers succès, il consacra résolument à l'entraînement ses après-midi des jeudis et dimanches.

De leur côté, les jeunes filles et les petites minuscules faisaient partie d'un Club Alpin enfantin, dirigé par M. Brégeaud, Conseiller à la Cour d'Appel, et où Madame Maurice Hanoteau jouait un rôle important d'organisatrice et de surveillante. Chaque dimanche, le Club effectuait une sortie dans une localité intéressante de la grande banlieue. On abattait les kilomètres, on visitait les curiosités situées sur le parcours et on goûtait sur le terrain du rendez-vous. La course menait parfois jusqu'à Compiègne. C'était une manière saine, instructive et intéressante de combattre l'oisiveté déprimante du dimanche.

Vers la fin de juillet, nous nous décidâmes à aller passer de nouveau nos vacances à Lans où les familles Hermil et Lacuire étaient retournées. Comme notre habitation de l'année passée n'était plus vacante, nous dûmes nous installer à l'Hôtel Ravaud, où à défaut de confort moderne ou autre, nous trouvâmes une excellente cuisine. La colonie de Lans, fondée par nous, se peuplait de plus en plus. Nous revîmes de nombreuses connaissances de Grenoble ainsi que nos excellents parents Chollier.

A la fin de septembre, revenu des grandes manœuvres de la Beauce où j'avais commandé une compagnie d'infanterie, je ramenai ma famille à Paris. Là, j'appris que j'étais affecté à la Direction d'Artillerie de La Fère. Je m'y rendis et trouvai un de mes anciens chefs, le Général Courtès. Il me dit très aimablement que mon affectation était certainement provisoire, qu'il m'autorisait à partir tous les vendredis soir pour Paris et à ne revenir que le mardi soir. Je pus donc laisser ma famille dans notre appartement de l'avenue de Trouville. Mais ce régime dura peu. Au début décembre, je fus remis à disposition de l’État-Major et affecté à l’État-Major du 6° Corps d'Armée, à Chalons-sur-Marne. Après un sursis d'un mois, je dus rejoindre ma nouvelle garnison le 1er janvier 1905.

Je dois noter ici la mariage de mon cousin Paul Etienne, Négociant à Lyon, avec Mlle. Thérèse Duplay, de Lyon également, qui lui donna cinq enfants.

Quant à Maurice, il était entré en octobre dans la classe de 2°C, cycle des mathématiques. Nous désirions le voir aller à St. Cyr, combinaison qu'il adoptait avec d'autant moins d'enthousiasme qu'il était myope et qu'il se proclamait peu enclin aux mathématiques pures. En plus, il conservait pour l'enseignement du latin un professeur avec qui il s'entendait mal, M. Rogerie, de sorte que le 1er trimestre fut très médiocre. Dans ces conditions, je me décidais à retirer mon fils du lycée Buffon et à l'interner au Petit Séminaire du Rondeau près de Grenoble, l'oncle Joseph lui servant de correspondant. Ancien élève de cet établissement, je pensais qu'avec l'appui de quelques professeurs anciens camarades à moi, le résultat serait meilleur. Maurice arriva au Petit Séminaire à l'expiration des vacances du 1er janvier.



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