Maurice
ETIENNE
Sous-Lieutenant
au 367ème Régiment d'Infanterie
Chapitre
III
1900-1904 :
de Montpellier
à Paris,
et
de la lutte anti-cléricale.
Le 6
janvier, j'étais nommé Chevalier de la Légion d'Honneur, puis
reçu
solennellement sur l'Esplanade. L'hiver se termina gaiement en
diverses réceptions grâce à nos relations dont le nombre
s'augmentait chaque jour. Malheureusement la famille Paul Blanchet
nous quitta à Pâques pour revenir à Rives. M. Paul Blanchet devait
mourir peu de mois après. Sa femme mourut à Nice vers le mois de
septembre 1920. Quant à Marguerite, leur fille, elle épousa l'année
suivante M. Paul Gillet, industriel lyonnais.
Notre
vie ne présenta aucune particularité jusqu'aux vacances, où une
villégiature nous fut imposée. En juin, au cours d'une tournée
d'inspection où j'assistais le général en chef, celui-ci souffrant
toujours de son eczéma, décida de passer avec Madame Faure-Biguet
les deux mois caniculaires dans la Lozère. A la suite d'une
reconnaissance minutieuse, son choix se porta sur le Château de
Séjas, à 7K de Marvejols, appartenant à M. de Salaberry. Pour
permettre au général de continuer à exercer son commandement, je
fus invité à m'installer moi-même à Marvejols. Je recevais
le cousin du Chef d’État-Major et je le préparais
à la signature du général chez qui je me rendais chaque jour à
cheval. Je passai ainsi trois mois avec ma famille à l'Hôtel
Bourdel, d'une propreté due
principalement à un incendie qui venait de la faire reconstruire à
neuf. Nous y étions extrêmement bien soignés et, à cette époque,
les prix de toutes choses étaient très bas. Les perdreaux, les
truites de la Cologne, les lièvres et les écrevisses, etc.. s'y
donnaient littéralement. Ce furent trois mois de réjouissances pour
les enfants. Naturellement, les Robert vinrent nous rejoindre, et les
excursions furent aussi nombreuses qu'intéressantes. Je citerai
surtout le château de Las Cases. A Marvejols même, on trouvait des
relations fort agréables, comme le Marquis de Chambrun, député,
son beau-frère M. Savorgnan de Brazza, l'explorateur bien connu,
ainsi que de nombreux industriels, riches et accueillants. Nous nous
liâmes d'amitié avec le jeune Rouchy, notaire, sa famille, et avec
un capitaine de gendarmerie Simonpoli, fruste et amusant, qui nous
rendit des services.
Maurice
s'était beaucoup attaché à M. Rouchy, qui flattait sa passion pour
les fruits en le menant très fréquemment dans un beau verger. A la
suite d'une ingestion exagérée de reines-claudes, Maurice eut un
violent embarras gastrique fébrile
qui menaça de dégénérer en fièvre typhoïde. Le médecin local
employa les grands moyens. Le premier jour du traitement, un
purgatif, de la limonade Roger, dont l'effet fut nul. Le 2ème jour,
de l'eau de Rubinat, dont l'effet fut identique. Enfin, le 3ème
jour, une bonne dose de calomel, à la suite de laquelle la maladie
dut capituler. A part cette imprudence, Maurice rentra très fortifié
et grandi.
Au
mois de juillet, nous apprîmes
la naissance d'un neveu, Jean Lacuire, troisième fils de ma sœur
Thérèse, né le 13 à Nice.
A la
rentrée, Maurice commença sa cinquième. Il avait dix ans, âge
un peu faible pour cette classe. Il travaillait convenablement,
réussissait bien en diligence et en histoire, mais éprouvait
quelques difficultés pour le latin et le grec. Magdeleine était en
tête de sa classe au Sacré-Coeur. Elle était d'une force
remarquable au croquet. Son portrait ci-contre nous la montre
couverte de médailles d'honneur et de grands rubans.
Magdeleine Etienne |
Nous
avions retrouvé une de nos excellentes relations de Paris, la
famille du Commandant du Génie Hanoteau, dont le fils aîné,
Pierre, se couvrait de gloire au Lycée. Pierre et Magdeleine, par la
force des choses, firent connaissance très jeunes, pour en venir à
l'hyménée, en 1912.
L'hiver
n'offrit rien de bien saillant. On célébra avec beaucoup de pompe
et d'entrain le mariage de mon camarade, le Capitaine Joba, avec la
fille du Général du Génie Nassoy.
Nos
enfants s'étaient fait une foule d'amis, notamment les enfants du
Colonel de Lamaze, du Général Houdaille, du Colonel Marabail,
devenu plus tard général, etc. Dès qu'on pût
se baigner, à partir de juin, deux fois par semaine, on prenait le
break du Régiment d'Infanterie et on se rendait à Palavas.
C'étaient de très joyeuses réunions.
Le
21 juin, eut lieu la première communion de Maurice au Collège
Catholique. La cérémonie fut très brillante et touchante. Mon
beau-frère Joseph avait de nouveau fait le déplacement de Grenoble.
Le 22, nous allâmes tous déjeuner à Canet,
ce qui permit à Joseph de se remémorer cette cité où avaient
résidé de nombreux membres de sa famille. Nous fîmes visite au
ménage Benker, beau-père et frère de nos proches parents Paul
Vidil.
A la
fin de juillet, le général Faure-Biguet reçut
de son ami, le Président Loubet, l'assurance de sa nomination au
poste de Gouverneur Militaire de Paris pour le mois de septembre.
Comme la chaleur était torride, j'envoyai ma smala en villégiature
à la Salvetat, mais cette fois sans les Robert, empêchés. C'est là
que se termina le séjour de ma famille dans le Midi. Mais avant de
quitter Montpellier, nos deux aînés firent des adieux émus aux
deux grands établissements d'instruction qui leur avaient inculqué
les premiers principes sérieux, et qu'ils ne devaient plus jamais
revoir. Dans la tourmente anticléricale qui soufflait alors, les
Pères Jésuites et les Dames du Sacré-Coeur ne tardèrent pas à
être dispersés, et leurs magnifiques établissements spoliés.
Dès
septembre, je suivis le Général
à Paris, où il fit, le 19, son entrée solennelle aux Invalides,
Quartier Général des gouverneurs. Le même jour, il y eut un grand
déjeuner
au Cercle militaire, avenue de l'Opéra, en l'honneur du
prédécesseur, le Général Florentin, que je devais avoir pour chef
plus tard, pendant huit années, à la Grande Chancellerie de la
Légion d'Honneur.
J'occupai
quelques jours de loisir à chercher
des appartements et j'en trouvais un très commode, d'un prix très
raisonnable, à coté des Invalides. C'était au troisième étage du
17 avenue de Tourville.
Ma
famille quitta la Salvetat le 25 septembre, revint à Béziers où
elle passa quelques jours chez les Robert pour les adieux, pendant
que moi-même, à Montpellier, je procédais au déménagement. Ma
femme et mes enfants partirent de Béziers le 30 septembre, firent
escale à Marvejols pendants 24 heures, et arrivèrent à Paris le 2
octobre pour la rentrée des classes. Nous ne devions plus quitter la
capitale.
Il
fallut au plus vite songer aux études de nos enfants. Comme le
Sacré-Coeur de la rue de Varennes venait d'être fermé, Magdeleine
fut mise externe chez Madame Bertier rue Surcouf. Elle y réussit
très bien, tout en menant une vie joyeuse avec ses amies :
Alice Houdda, Marie Fromage, Marie Fléchette, etc. Elle avait comme
professeur de dessin Mlle. Lajourdie, qui donna aussi des leçons à
Maurice. Quant à ce dernier, il entra en quatrième au Lycée Buffon
où
il apparut nettement qu'il était trop jeune pour sa classe et qu'il
devait la redoubler. Très grand pour son âge, un peu étourdi
quoique doué d'un excellent cœur, il avait quelquefois des démêlés
avec ses surveillants et avec ses camarades, moins robustes que lui.
Il avait emporté de Montpellier un assez violent accent du midi qui
excita l'hilarité de sa classe aux premières récitations de
leçons. Cet accent se perdit vite.
Nous
fûmes rejoints à Paris par mon ancien secrétaire du Q.G. de
Montpellier, l'Adjudant Cluzel, et par le Docteur Saltet
qui nous avait soigné avec le plus entier dévouement. Nous avions
repris notre cuisinière, Alphonsine, qui ne tarda pas à nous
quitter de nouveau et définitivement, à cause de Simone qu'elle ne
voulait absolument pas laisser soigner par une autre qu'elle.
Nous
retrouvâmes à Paris la sœur de ma femme, Marie Keisser, et ses
enfants, Hippolyte et Adèle. Ma belle-sœur inculqua à Magdeleine
les premiers principes sérieux de piano. A cet effet, j'achetai chez
mon camarade de promotion de l'X, Gustave Lyon un excellent
instrument (Pleyel). Ce fut mon cousin Charles Mathieu qui l'étrenna
en novembre 1901. Charles était venu à Paris pour devenir artiste
et compositeur de musique ; il devait finir comme professeur de
piano à Bourgoin (Isère).
Ici
se place, pour ne plus en parler désormais, un événement qui
devait exercer une influence capitale et néfaste sur toute ma
carrière de Chef de Cabinet du Gouverneur Militaire de Paris…
J'avais été classé N°1 sur l'ensemble des capitaines d'Artillerie
du gouvernement militaire,
pour le grade de Chef d'Escadron. Je le savais d'autant mieux que
c'est à mon bureau qu'on faisait le travail d'avancement.
L'hostilité du Ministre de la Guerre André, tant contre le
Gouverneur que contre moi, à cause de mes opinions soi-disant
cléricales, fit qu'il me raya du tableau d'avancement, cette année
et les années suivantes, avec obstination, malgré toutes les
démarches de mes chefs. En sorte que, passé capitaine
avec un beau choix, sorti dans un bon rang de l’École Supérieure
de Guerre, je dus passer Chef d'Escadron à l'ancienneté. Le malheur
voulut que ma carrière se joua pendant ce déchaînement de passions
anticléricales, funeste à moi surtout, ancien élève des Pères
Jésuites, ayant fait élever mon fils chez les Pères
et ma fille au Sacré-Coeur.
Année
1902
L'année
1902 ne nous apporta aucun événement heureux. L'hiver fut morose.
Au début, ma femme ne se portait pas très bien et elle dut
bientôt s'aliter par suite de surmenage dans les soins à ses
enfants. Le docteur
Saltet
finit
par reconnaître la nécessité d'une intervention chirurgicale qui
fut exécutée à la maison même, par un chirurgien des Hôpitaux de
Paris, le docteur Bouglé (mort 2 ans après). La malade fut sauvée,
mais il ne fallut pas moins de six semaines de lit. Pendant ce temps,
Simone était couchée dans la chambre adjacente, avec une bonne
fièvre scarlatine. A peine était-elle remise que Maurice reprenait
les oreillons. Si on y ajoute nos embarras domestiques dus
au départ d'Alphonsine, on verra que les soucis ne me manquaient
pas.
Simone à 5 ans |
Au
mois de juin, comme il était urgent de liquider toutes ces
convalescences par une bonne villégiature, je fis une reconnaissance
en Normandie, le long des côtes, et je trouvais une gentille
installation à Riva-Bella (port d'Ouistreham), près de Caen, sur
une jolie plage. C'était une villa neuve et coquette, avec une tour
carrée munie d'un drapeau qu'on hissait les jours de grand pavois,
dite pour cette cause « Villa la Tourelle » et
appartenant à M. Georges.
Toute
la famille y passa deux mois et demi, y compris Madame Keisser et sa
fille Adèle. Ce fut une saison délicieuse. Malheureusement Maurice
se blessa le pied sur une roche coupante et dut
rester assis ou couché une partie des vacances. D'ailleurs, il n'en
revint
que mieux portant et plus reposé.
Ce
fut pendant le séjour à la mer,
au
mois de juillet, que nous apprîmes le décès à Eybens (près de
Grenoble) de notre cousine Cécile Vidil, femme de Jean Édouard
Vidil, ex-tuteur de mon épouse. Ce fut pour nous une bien grande
tristesse, car ma femme avait toujours été traitée comme une
véritable enfant dans cette famille.
Cette
villégiature fut l'occasion de très intéressantes excursions sur
toute la côte normande, à Trouville, Cabourg, Luc-sur-Mer, Langrune
etc.. puis à Caen.
Vers
le 25 septembre, tante Marie Keisser et Adèle nous quittèrent et,
peu après, nous reçûmes l'avis de fiançailles de notre nièce
Adèle avec le jeune Charles David, futur élève de l’École
Centrale de Paris.
Nous
rentrâmes le 30 septembre pour le commencement des classes. Maurice,
qui avait bien travaillé pendant les vacances, refit sa quatrième
avec M. Barbier comme professeur et occupa de suite un rang
honorable. Toutefois, il fut toujours en froid avec le grec. L'hiver
n'offrit
aucun événement mémorable.
Année
1903
La
première passion de Maurice fut la collection des timbres-poste. Il
s'était lié au Lycée Buffon avec un camarade de classe, d'un an
plus âgé que lui, Henri Codet, fils d'un médecin de Paris, ancien
Major de l'Armée. Ce jeune homme, d'un naturel appliqué et plus
réfléchi que d'ordinaire chez les jeunes gens de son âge, avait le
goût des collections, en général. Il se destinait à la médecine,
cultivait les sciences pures et naturelles. Il fut plus tard Interne
des Hôpitaux de Paris, docteur et spécialiste des maladies
mentales. Tout jeune, il exerça sur Maurice une très grande
influence, plutôt salutaire. Ce fut lui qui guida les premiers pas
de Maurice dans les sciences philatéliques. Mais cette occupation ne
fut pas de longue durée ; elle céda bientôt le pas à la
pratique exclusive des sports.
Outre
le travail normal des classes, Maurice prenait des répétitions de
dessin avec Mlle.
Lajourdie, et
d'allemand avec Mlle. Schaefer. Cette dernière donnait d'excellentes
leçons de piano, pour débuter, à Magdeleine qui fit de rapides
progrès.
A
cette époque, nos enfants étaient grands amis avec les jeunes
Houdaille et faisaient ensemble de grandes parties dans le parc de
St. Cloud. La santé générale se maintenait bonne, sauf une alerte
du coté de Simone qui eut des velléités de fièvre typhoïde et de
pleurésie, vite enrayées.
Au
mois d'avril, eut lieu à Grenoble la mariage de notre jeune cousin
Auguste Clément, Avoué à la Cour, fils d’Émile Clément,
Greffier en Chef du Tribunal Civil, avec Mlle. Marthe Grolée, fille
de l'avocat ancien Bâtonnier. J'assistais à une belle cérémonie
et à un superbe dîner au Grand Hôtel.
De
là, je me rendis à Nice pour voir mes sœurs. J'ai déjà dit que
Madame Hermil, en quittant Grenoble, s'était installée à Antibes.
Au bout d'une année, fin 1898, elle préféra Cannes en raison des
facilités d'éducation de ses enfants et de la proximité de son
médecin traitant, le docteur Darembert. Enfin, en 1902, les Pères
Maristes de Cannes ayant été expulsés, les nécessités de
l'instruction d'André l'obligèrent à venir à Nice où elle
retrouva notre sœur Thérèse Lacuire. En effet, mon beau-frère
Lacuire, en quittant Paris, avait été nommé au Lycée de Roanne,
en 1897, puis, profitant d'une vacance au lycée de Nice, il avait eu
la chance de s'y faire nommer en 1899 pour ne plus le quitter. La
famille se regroupait donc sur les bords du Paillon. Le jeune André
Hermil, qui se distinguait déjà à Cannes chez les Pères Maristes,
devait se couvrir de gloire au lycée de Nice.
Quant
aux miens, il fallut songer à leurs vacances et nous nous décidâmes
à les passer à Lans, dans une villa louée en commun par mes sœurs
et moi. Cette réunion des trois familles, Etienne, Hermil et
Lacuire, dont 7 enfants, fut pleine de gaîté. La maison louée
était la maison Bernard, la seule habitable dans le pays, à 1100
mètres d'altitude. Les lieux d'excursion ne manquaient pas :
Autrans, Méaudres, la Villard-de-Lans, St. Nizier, le col de l'Arc…
Maurice
avait reçu de son oncle une superbe bicyclette Gladiator.
Madame Eugène Etienne et leurs enfants Capdepon étaient descendus à
l'Hôtel Mayousse. Les Gonnet, avec leurs trois enfants, avaient loué
une petite maison. M. Émile Clément et l'oncle Joseph vinrent
passer quelques jours, en sorte que la concentration de la famille
fut très complète. Mais la mort devait bientôt y créer des vides
cruels.
Le
29 septembre, les familles se dispersèrent pour la rentrée des
classes. Maurice abordait la Troisième A (latin et grec), toujours
au lycée Buffon, Magdeleine la classe de préparation au brevet
simple.
Un
changement allait se produire dans ma situation. Le général
Faure-Biguet atteignant la limite d'âge (il était né en octobre
1838 et allait avoir 65 ans) quittait le poste de Gouverneur
Militaire de Paris et j'abandonnai mon emploi. Grâce à l'appui du
Général, j'obtins l'autorisation d'accomplir un stage d'un an à
Paris, au 104°
d'Infanterie, Caserne Latour-Maubourg, à deux pas de l'avenue de
Trouville où nous habitions. J'étais sous les ordres du Colonel
Polène, devenu Commandant du 17° Corps d'Armée et je commandais
une compagnie dans le Bataillon du Commandant Pétain, devenu plus
tard Maréchal de France.
Pendant
que cette mutation s'effectuait, dans les premiers jours d'octobre
1903, notre jeune cousin Julien Gonnet venait à Paris pour préparer
l’École Polytechnique dans la Maison des Pères de la rue Lhomont,
où j'avais fait moi-même mes études. Ses parents me demandèrent
d'être son correspondant, mais ce ne fut pas - hélas - pour
une période de longue durée. Six semaines après, un télégramme
du père me chargea d'aller chercher sans retard son fils et de le
diriger sur Grenoble, avec tous les ménagements possibles sur les
motifs de cette brusque décision. En effet, la fille aînée des
enfants Gonnet, Madeleine, se mourrait d'une méningite qu'on n'osait
pas avouer tuberculose. La pauvre enfant, âgée de 18 ans à peine,
charmante, ayant par ailleurs tout ce qui contribue au bonheur,
décédait quelques jours après.
Julien
fut bientôt atteint lui-même par la contagion. Grâce à la rigueur
de sa constitution, il pût résister longtemps, mais finit
par succomber en 1913. De ces 3 beaux enfants Gonnet, il ne reste
plus qu'Albert, veuf lui-même (1921), très jeune, avec deux enfants
en bas âge.
Année
1904
La
fin de 1903 n'avait amené aucun autre événement saillant. Maurice
s'entendait mal avec son professeur de 3ème, M. Rogerie, et il en
résultait quelques retenues. Magdeleine et Simone jouaient
fréquemment au Luxembourg, sous la garde de Maman.
Maman, Simone, Magdeleine et Maurice, au jardin du Luxembourg |
Quant
à Maurice, en dehors du tennis au Luxembourg, je le menais
quelquefois voir des courses de chevaux à Auteuil, où j'avais des
cartes gratuite de pesage. Parfois, je le menais au salon de
peinture. La photographie ci-dessous nous représente, de dos, le
groupe le plus à droite, sur le pont Alexandre III, au moment où
nous allons au
Salon des Artistes Français.
Maurice et moi, à droite, pont Alexandre III |
Par
ailleurs, plusieurs familles polytechniciennes (Sentis, Pauzat, etc.)
s'étaient entendues
avec
nous pour des leçons de danse très intéressantes qui avaient lieu
chaque dimanche, tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre,
alternativement, et se terminaient par un plantureux goûter. La
famille Hanoteau en faisait partie, naturellement.
Le
25 janvier 1904 fut marqué par un deuil très douloureux pour nous.
M. Émile Clément, Greffier en chef au Tribunal Civil de Grenoble,
fut emporté très rapidement à l'âge de 62 ans. Il avait épousé
ma cousine germaine, Augustine Etienne, née à St. Lattier (Isère),
berceau de ma famille, en 1856. Lui-même était originaire de
Châtillon St. Jean (Drôme) près de Romans.
Depuis
la dispersion de notre famille, la belle villa de M. Clément, 4 quai
des Allobroges
à Grenoble, était devenue notre véritable centre, la maison-mère.
On était
sûr d'y trouver toujours l'accueil le plus affectueux et
l'hospitalité la plus large. D'ailleurs, sa veuve a continué cette
tradition. Aussi ne manquai-je pas de faire le déplacement pour
venir rendre les derniers devoirs à notre cousin si regretté, qui
fut inhumé au cimetière de La Tronche dans leur caveau de famille.
Son greffe revint
à son fils aîné, Antoine Clément, alors âgé de 30 ans environ.
L'année précédente, son second fils avait acheté à notre cousin
Aimé Gonnet son étude d'avoué à la Cour de Grenoble.
Du
printemps 1904 date l'évolution de Maurice vers les sports. Trop
jeune pour s'attaquer au football, il accompagna Henri Codet dans
diverses réunions extra-muros et, grâce à son développement
physique précoce, il se fit remarquer dans les courses à pied et
dans le saut. Enhardi par ces premiers succès, il consacra
résolument à l'entraînement ses après-midi des jeudis et
dimanches.
De
leur côté, les jeunes filles et les petites minuscules faisaient
partie d'un Club Alpin enfantin, dirigé par M. Brégeaud, Conseiller
à la Cour d'Appel, et où Madame Maurice Hanoteau jouait un rôle
important d'organisatrice et de surveillante. Chaque dimanche, le
Club effectuait une sortie dans une localité intéressante de la
grande banlieue. On abattait les kilomètres, on visitait les
curiosités situées sur le parcours et on goûtait sur le terrain du
rendez-vous. La course menait parfois jusqu'à Compiègne. C'était
une manière saine, instructive et intéressante de combattre
l'oisiveté déprimante du dimanche.
Vers
la fin de juillet, nous nous décidâmes à aller passer de nouveau
nos vacances à Lans où les familles Hermil et Lacuire étaient
retournées.
Comme notre habitation de l'année passée n'était plus vacante,
nous dûmes nous installer à l'Hôtel Ravaud, où à défaut de
confort moderne ou autre, nous trouvâmes une excellente cuisine. La
colonie de Lans, fondée par nous, se peuplait de plus en plus. Nous
revîmes de nombreuses connaissances de Grenoble ainsi que nos
excellents parents Chollier.
A la
fin de septembre, revenu des grandes manœuvres de la Beauce où
j'avais commandé une compagnie d'infanterie, je ramenai ma famille à
Paris. Là, j'appris que j'étais affecté à la Direction
d'Artillerie de La Fère. Je m'y
rendis et trouvai un
de mes anciens chefs, le Général Courtès. Il me dit
très aimablement que mon affectation était certainement provisoire,
qu'il m'autorisait à partir tous les vendredis soir pour Paris et à
ne revenir que le mardi soir. Je pus donc laisser ma famille dans
notre appartement de l'avenue de Trouville. Mais ce régime dura peu.
Au début décembre, je fus remis à disposition de l’État-Major
et affecté à l’État-Major du 6° Corps d'Armée, à
Chalons-sur-Marne. Après un sursis d'un mois, je dus rejoindre ma
nouvelle garnison le 1er
janvier 1905.
Je
dois noter ici la mariage de mon cousin Paul Etienne, Négociant à
Lyon, avec Mlle. Thérèse Duplay, de Lyon également, qui lui donna
cinq enfants.
Quant
à Maurice, il était entré en octobre dans la classe de 2°C, cycle
des mathématiques. Nous désirions le voir aller à St. Cyr,
combinaison qu'il adoptait avec d'autant moins d'enthousiasme qu'il
était myope et qu'il se proclamait peu enclin aux mathématiques
pures. En plus, il conservait pour l'enseignement du latin un
professeur avec qui il s'entendait mal, M. Rogerie, de sorte que le
1er
trimestre fut très médiocre. Dans ces conditions, je me décidais à
retirer mon fils du lycée Buffon et à l'interner au Petit Séminaire
du Rondeau près de Grenoble, l'oncle Joseph lui servant de
correspondant. Ancien élève de cet établissement, je pensais
qu'avec l'appui de quelques professeurs anciens camarades à moi, le
résultat serait meilleur. Maurice arriva au Petit Séminaire à
l'expiration des vacances du 1er
janvier.
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