Maurice
ETIENNE
Sous-Lieutenant
au 367ème Régiment d'Infanterie
Chapitre
V
1910-1914 :
du
mariage
de Magdeleine à
la mobilisation générale
L'hiver
débuta mal pour ma sœur Thérèse. Elle fut même à deux doigts de
la mort et dut être administrée, mais elle s'en tira cette fois
encore, grâce à sa robuste constitution originelle.
L'hiver
fut marqué, en janvier, par un des plus violents cataclysmes dont
l'histoire moderne fasse mention. Les pluies ininterrompues de
l'automne avaient tellement saturé le sol que leur continuation en
janvier amena des crues énormes de la Seine et de ses affluents. Les
eaux débordées envahirent Paris et les environs avec une violence
inouïe. Au Palais de la Légion d'Honneur, situé sur les bords
mêmes
de la Seine et en l'un des points les plus bas de la capitale, nous
fûmes les premières victimes. En outre, la voie ferrée souterraine
de l'Orléans, qui débouche au Palais d'Orsay, formait un magnifique
canal qui alimentait abondement la crue. Enfin, le 28 janvier, un
vendredi, la Seine et tous ses tributaires syndiqués s'entendirent
pour produire un maximum de crue, qui battit tous les records connus,
même celui de 1740. Notre pavillon était depuis plusieurs jours
bloqué de tous cotés par plus de trois mètres d'eau. Des geysers
improvisés avaient fait sauter toutes les bouches d'égout et les
regards souterrains.
Nous ne pouvions sortir qu'en barque ou par un haut pont en planches dressé par dessus les balustres du jardin. Le gaz et l'électricité avaient été coupés depuis le début. L'eau avait envahi notre escalier et n'était plus qu'à 50 centimètres au-dessus du parquet de notre chambre du premier étage. Des sortes de pirogues, montées par des marins de Cherbourg, croisaient dans le cour d'Honneur et sous les colonnades du Palais. Pour sortir et gagner le pont de fortune en planches, il fallait passer par les toits. On nous distribuait le pain et les vivres, ainsi que le courrier, par un service de bateaux. Bref, rien ne peut donner une idée des angoisses de ces heures, d'autant plus que la température était basse et que le chauffage était des plus précaires, les provisions de bois et de charbon ayant été noyées. Les inondations durèrent près de quinze jours, jusqu'à ce que les dernières nymphes de la Seine aient définitivement replongé dans les égouts. Une foule de parisiens avaient déserté, mais nous crûmes devoir rester à notre poste, plus pénible, en somme, que périlleux, pour ne pas paraître céder à la panique générale. Mais le souvenir de Paris transformé en petite Venise ne manque pas d'intérêt.
Nous ne pouvions sortir qu'en barque ou par un haut pont en planches dressé par dessus les balustres du jardin. Le gaz et l'électricité avaient été coupés depuis le début. L'eau avait envahi notre escalier et n'était plus qu'à 50 centimètres au-dessus du parquet de notre chambre du premier étage. Des sortes de pirogues, montées par des marins de Cherbourg, croisaient dans le cour d'Honneur et sous les colonnades du Palais. Pour sortir et gagner le pont de fortune en planches, il fallait passer par les toits. On nous distribuait le pain et les vivres, ainsi que le courrier, par un service de bateaux. Bref, rien ne peut donner une idée des angoisses de ces heures, d'autant plus que la température était basse et que le chauffage était des plus précaires, les provisions de bois et de charbon ayant été noyées. Les inondations durèrent près de quinze jours, jusqu'à ce que les dernières nymphes de la Seine aient définitivement replongé dans les égouts. Une foule de parisiens avaient déserté, mais nous crûmes devoir rester à notre poste, plus pénible, en somme, que périlleux, pour ne pas paraître céder à la panique générale. Mais le souvenir de Paris transformé en petite Venise ne manque pas d'intérêt.
Après
le retour à la vie normale, Maurice continuait à avoir
d'excellentes notes aux examens de l’École des Sciences
Politiques. Quant à Magdeleine, je la menai au splendide Bal de
l'Association des anciens élèves de l'X, au Continental. Nous ne
rentrâmes qu'à six heures du matin, après un cotillon
des plus animés.
Au
mois de juillet, l'état de santé de ma sœur Thérèse nous incita
à nous réunir tous en vacances, dans un coin du Dauphiné. Le lieu
choisi fut une belle et spacieuse propriété, avec un parc de trois
hectares, situé à Chatte (Isère) aux environs de St. Marcellin.
C'est près de là que se trouve St. Lattier, lieu de naissance de
mon père, et la propriété de famille de l'Olivier, aliénée par
nous au printemps 1891. La maison louée à Chatte appartenait à
Mlle. Brun.
Nous
pensions que le grand air, la salubrité du lieu et les distractions
de la famille soulageraient ma pauvre sœur. Mais au bout d'un mois
et demi, l'amélioration attendue ne s'étant pas produite, il fallut
transporter la malade à Grenoble, chez madame Émile Clément, pour
avoir sous la main un médecin compétent. A la fin de septembre, on
la ramena à Nice et nous ne devions plus la revoir. Cet événement
attrista vivement les vacances, malgré notre plaisir de revoir le
pays de nos pères.
Je
dois signaler, le 25 août, un baptême solennel, suivi d'un grand
dîner, Villa des Allobroges, 4 quai du même nom, à Grenoble chez
Mme. Émile Clément, à l'occasion de la naissance du jeune Jean
Clément, fils d'Antoine, greffier en Chef du tribunal civil.
Le
10 septembre, ma permission expirée, je rentrai à Paris en passant
par le Jura. Car mon chef, le général Florentin, possédait une
superbe propriété d'environ 300 hectares nommée La Buchille, dans
la commune de Pont-du-Navoy, non loin de Moret, et il m'avait invité
à m'y arrêter au retour. J'y fus reçu avec la plus grande
cordialité par Madame et mademoiselle Florentin (actuellement Madame
Cotelle). La propriété, entourée par l'Ain qui lui sert de
limites, a des bois magnifiques.
Quant
à Maurice, il avait passé avec succès ses examens de deuxième
année de droit en juillet. Il n'était pas allé à Chatte, mais à
Londres, où pendant deux mois il avait fait un bon travail en langue
anglaise.
A
Chatte,
nous ne manquions pas de relations. A St. Marcellin même, résidait
M. Gustave Lacuire, frère de Théophile, percepteur dans cette
ville. Un de nos cousins germains, Louis Commandeur, ingénieur à
Bourgoin, qui se manifestait rarement, vint nous voir. Enfin, M.
Robert et sa fille Magdeleine passèrent par Chatte au retour d'un
voyage d'agrément en Suisse et Autriche-Hongrie.
En
octobre, les miens vinrent rejoindre leurs quartiers d'hiver rue de
Lille. Nos enfants reprirent leurs cours dans les mêmes conditions
que précédemment. Maurice, qui s'était déplacé pour un match de
rugby à Bayonne, fut ramené soutenu par deux co-équipiers avec une
belle entorse qui le condamna à l'immobilité pendant trois
semaines.
André
Hermil, ayant terminé son année de service, entra à l’École
Polytechnique au mois d'octobre et s'y comporta brillamment. Nous
eûmes le plaisir de le recevoir fréquemment chez nous. Il sortit
ingénieur des Ponts et Chaussées, puis fit la guerre de 14-18
contre l'Allemagne où il fit montre de beaucoup de courage et
d'endurance comme Capitaine du Génie : Croix de guerre pour une
action d'éclat devant Saint-Mihiel. Nommé Ingénieur de Ponts et
Chaussées à Marseille en novembre 1919, il épousa en septembre
1920 dans cette ville une charmante jeune fille, Mademoiselle Andrée
Giraud, fille d'un ancien Polytechnicien, Directeur des raffineries
Saint-Louis à Marseille.
André Hermil, Major pour l'Ecole Polytechnique en 1909 |
Revenons
à décembre 1910, pour recevoir Mlle. Robert qui vint passer six
semaines chez nous. A cette époque, par suite de la mévente des
vins blancs, Robert utilisait les siens à en faire une sorte de
mousseux, très agréable au goût, qu'il avait baptisé Mounéry, du
nom de la parcelle de vigne qui fournissait le raisin. Notre ami nous
en envoyait gracieusement avec une grande prodigalité, sans compter
les bordelais de son excellent vin d'Ouveillan.
Année
1911
Vers
la fin janvier, j'accompagnai les deux Magdeleine au bal de la
Société des anciens élèves de l’École Polytechnique, à
l'Hôtel Continental. Ma fille conduisait un cotillon.
En
avril, la santé de ma sœur Thérèse se mit à décliner de manière
inquiétante et, enfin, ma pauvre sœur s'éteignit, le 1er
mai, emportée par l'affection cardiaque dont les premiers symptômes
s'étaient manifestés chez moi, pendant son séjour à Versailles en
1891-92. Ce fut une grande douleur dans toute la famille, pour moi
notamment qui avait été son tuteur. Elle avait 42 ans et quatre
mois à peine révolus, et laissait trois enfants mineurs, savoir :
Suzanne (17 ans), René (15 ans) et Jean (11 ans).
Je
vins rendre les derniers devoirs à ma pauvre sœur qui fut enterrée
dans le cimetière de Nice. C'était une charmante jeune femme, très
bonne, d'un caractère vif et gai, très intelligente, très active,
toute entière à ses devoirs d'épouse et de mère. Ses trois
couches, très laborieuses, avaient contribué à ébranler sa santé.
Elle formait avec son mari un couple très uni et elle ne cessait de
me répéter qu'elle avait toujours été parfaitement heureuse dans
son intérieur. Elle avait très bien su diriger l'éducation de ses
jeunes enfants qui, jusqu'ici, ont très bien réussi. Thérèse,
élevée au Couvent de la Visitation de la Côte St. André (Isère)
était très religieuse et d'une piété très éclairée. C'était,
en résumé, une belle âme, enlevée trop tôt à la terre et qui
mérite l'éternelle récompense.
Mme. Théo Lacuire, née Thérèse Etienne |
Au
mois de juillet, Maurice passa dans de bonnes conditions ses examens
de sortie de l’École des Sciences Politiques, examens longs,
difficiles et entourés d'une certaine solennité. Il avait à lutter
contre des concurrents sérieux, la plupart sensiblement plus âgés,
plusieurs déjà Docteurs en Droit. Il fut classé 17ème sur 150
candidats, avec de très bonnes notes, et obtint naturellement le
diplôme.
Il
devait passer, huit jours après, ses examens pour la Licence en
Droit, mais par suite de surmenage il dut s'aliter et remettre cet
examen à la période de service militaire qu'il devait inaugurer au
mois de novembre suivant.
Les
vacances étaient arrivées et, à la demande de nos enfants, nous
allâmes pour deux mois à la Communauté Ste. Anne, à Trégastel,
comme en 1907. Il y avait une quantité considérable de jeunes gens
et de jeunes filles, d'âges correspondant à ceux de nos enfants.
Les vacances furent très animées. Bains, tennis, excursions en barque, à pied ou autocar, jusqu'à Morlaix, Île Bréhat ou Châteaux Bretons, ce fut une série ininterrompue de distractions. Parmi les amis de Maurice, se trouvait Marco de Gastyne, premier grand prix de Rome de 1911 pour la section de peinture. Mon fils ayant été proclamé champion de tennis de Trégastel (Hommes), Marco, en guise de prix, fit de lui une esquisse que nous conservons religieusement encadrée dans notre salon. Quant à Magdeleine, elle fut déclarée champion dans la section Dames.
Trégastel : 1 - Maurice 2 - Simone 3 - Magdeleine |
Les vacances furent très animées. Bains, tennis, excursions en barque, à pied ou autocar, jusqu'à Morlaix, Île Bréhat ou Châteaux Bretons, ce fut une série ininterrompue de distractions. Parmi les amis de Maurice, se trouvait Marco de Gastyne, premier grand prix de Rome de 1911 pour la section de peinture. Mon fils ayant été proclamé champion de tennis de Trégastel (Hommes), Marco, en guise de prix, fit de lui une esquisse que nous conservons religieusement encadrée dans notre salon. Quant à Magdeleine, elle fut déclarée champion dans la section Dames.
Magdeleine et Maurice Etienne à Trégastel en 1911 |
Pendant
que nos enfants s'amusaient, j'étais rentré à mon poste et je
m'occupais de l'affectation de Maurice à un Régiment. Comme il
avait passé avec un nombre de points satisfaisant l'examen de la
Société de Préparation Militaire, je pus obtenir qu'il accomplit
ses deux années de service
à Paris, au 103° Régiment d'Infanterie caserné à l’École
Militaire, ce qui nous le laissait à deux pas de la maison.
Trégastel, adaptation des Martyres de Chateaubriand : 1 - Maurice 2 - Simone |
Nous
eûmes donc la satisfaction, que nous apprécions davantage encore
maintenant, de le
voir fréquemment. Il obtint l'autorisation de prendre chez nous la
plupart de ses repas, surtout ceux du soir, et comme le nombre de
lits était insuffisant à la caserne, de revenir coucher dans sa
chambre. Pendant ce temps, il suivait le peloton des élèves-caporaux
où il était très bien noté ; et il n'était jamais puni,
ayant entièrement gagné les sympathies de ses chefs.
Magdeleine,
à la rentrée, commençait à faire des aquarelles agréables et
Simone travaillait assidûment à la préparation de son Brevet du
premier ordre. Du fait que nous étions en deuil, l'hiver se passa
très paisiblement. Comme visiteurs, nous avions nos deux
polytechniciens, André Hermil et Pierre Hanoteau, tous les deux
accueillis avec plaisir.
Année
1912
Je
crois devoir signaler les divertissements périodiques auxquels nous
étions conviés pendant notre séjour à la Grande Chancellerie.
A
l’Élysée, le Président donnait deux grands bals en janvier et un
garden-party autour du 14 juillet. Au Ministère de la Guerre, un
garden-party le 13 juillet. A la Grande Chancellerie, un bal très
sélect et très recherché en avril ou mai, puis une grande vente de
charité où nos filles étaient vendeuses, en décembre. Cette vente
était précédée d'un grand déjeuner offert par le Général et
Madame Florentin aux Intendants et leur État-major des Maisons
d'éducation de la Légion d'Honneur. Enfin, pendant l'hiver, à la
Grande Chancellerie, un grand dîner ministériel et diplomatique.
Réceptions et dîners, tout y était remarquablement bien.
Un
certain nombre d'élèves de nos maisons, choisies parmi les plus
sages et les plus gracieuses, étaient invitées aux garden-party
ci-dessus, à raison de 40 de St. Denis, 20 d'Ecouen
et 20 des Loges. Leur costume, délicieusement vieillot, datant de
Madame Campans, c'est à dire de plus d'un siècle, avec leurs
bretelles multicolores, avait toujours beaucoup de succès. Elles ne
manquaient de danseurs empressés, ni parmi les élèves de l’École
Polytechnique, ni parmi ceux de St. Cyr.
André et Marcelle Hermil |
Marcelle
Hermil vint passer un mois à la maison en mars. Au moment de son
départ, c'est à dire vers Pâques, il se produisit un événement
important pour la Société et pour nous. Madame Hanoteau, femme du
Colonel commandant le 5° Régiment du Génie à Versailles, nous
écrivit de Prudhomme, nom de leur propriété près de Décize dans
la Nièvre, à l'effet de nous demander la main de notre fille
Magdeleine pour leur fils Pierre. Les jeunes gens se connaissaient
depuis longtemps, ayant été pour ainsi dire élevés ensemble, et
ne semblaient pas se déplaire. La réponse n'était pas douteuse.
Mais comme le jeune officier devait suivre pendant quatre mois encore
les cours de l’École d'Application du Génie de Fontainebleau, il
fut convenu que les fiançailles auraient lieu pendant les vacances,
à une date astronomique comme il convient entre X, le 21 septembre.
Pierre prendrait ensuite pied dans le Régiment, et les justes noces
se feraient le 21 novembre suivant, soit à deux mois d'intervalle.
De
ce fait, notre vie calme se transforma radicalement et céda la place
à une joyeuse agitation due aux multiples complications qui
entourent les préparatifs d'un mariage. Naturellement, Pierre venait
souvent à la maison ; sa famille tenait garnison à Versailles,
en sorte qu'on avait toutes facilités pour combiner les détails.
Ainsi, l'été passa avec une rapidité inconnue et il ne fut pas
question de villégiature lointaine. Les vacances se passèrent dans
la superbe propriété des Hanoteau, Prudhomme, à six kilomètres de
Décize, d'une superficie de 130 hectares, avec un spacieux et
confortable habitat.
Avant
d'arriver aux fiançailles, je dois mentionner le succès de Simone
qui enleva brillamment son diplôme du Brevet élémentaire, au mois
de juin, à l'âge de quinze ans à peine révolus.
De
son coté, Maurice, qui appartenait à la 7° Division commandée par
le Général Roques, fut choisi par cet officier général, ami de la
famille, comme son caporal-chef des secrétaires.
Ce nouveau poste augmenta encore l'indépendance de mon fils, qui put ainsi prendre tous ses repas et coucher à la maison. Nous eûmes d'ailleurs beaucoup à nous louer du Général Roques, devenu plus tard Commandant de Corps d'Armée et Ministre de la Guerre. Il mourut prématurément au Val de Grâce en 1919.
Maurice et ses secrétaires |
Ce nouveau poste augmenta encore l'indépendance de mon fils, qui put ainsi prendre tous ses repas et coucher à la maison. Nous eûmes d'ailleurs beaucoup à nous louer du Général Roques, devenu plus tard Commandant de Corps d'Armée et Ministre de la Guerre. Il mourut prématurément au Val de Grâce en 1919.
Le
21 septembre, toute la famille était réunie à Prudhomme pour les
fiançailles qui donnèrent lieu à une superbe fête. Outre le
Colonel Hanoteau, sa femme et leur second fils André, on remarquait
les fiancés, M. Jean Hanoteau, frère du Colonel, sa femme et ses
deux enfants, le Colonel Dufour et sa famille, divers parents des
environs, ma femme, mes enfants et moi.
Pierre,
mon
futur gendre, venait de sortir de l’École de Fontainebleau, bon
premier de la promotion du Génie, et avait été classé à
Versailles dans le régiment de son père, auquel d'ailleurs de
prochaines étoiles avaient été promises. Tout conspirait donc en
faveur des jeunes fiancés et il fut facile de leur trouver un
appartement, puis de le meubler confortablement, ce dont Madame
Hanoteau mère et Colonelle s'acquitta avec beaucoup de générosité
et de dévouement.
Je
ne remémorerai pas tous les préparatifs, tous les soucis inhérents
à un mariage. Le contrat fut fixé au mardi 19 novembre, le mariage
civil au mercredi 20 dans
le 7ème
arrondissement, et la cérémonie religieuse au jeudi 21 en la
basilique Sainte Clotilde.
Pierre & Magdeleine sortant de la Basilique |
Il
fut décidé que nous donnerions un grand dîner de 70 couverts au
palais d'Orsay le mardi 19 et que le lunch, suivi d'un dîner assis
pour le cortège, se ferait au même endroit le jeudi 21, après la
Bénédiction Nuptiale.
Mme Maurice Hanoteau, le Commandant Léon Etienne, le Colonel Maurice Hanoteau |
Du
coté de notre famille, les Vidil s'abstinrent totalement. Mon oncle,
le Commandant Mathieu, Mme. Émile Clément, M. et Mme. Antoine
Clément, Albert Gonnet, la plupart de nos neveux et nièces furent
fidèles au rendez-vous. Le Grand Chancelier de la Légion d'Honneur,
Madame et Mlle. Florentin, le Colonel et Madame Anthoine, des amis,
acceptèrent notre invitation, ainsi que Louis Robert, de Béziers et
sa fille Magdeleine.
Mme. la Gnénérale Anthoine, le Commandant Faure, Simone Etienne |
Du
coté des Hanoteau, près de quarante invités dont les très proches
parents, puis leur cousin M. René Doumic, de l'Académie Française,
avec
Madame, le Général et Madame Mauduit, des amis, l'Ingénieur
Général de la Marine Lhomme et son fils, etc... ainsi qu'un certain
nombre d'officiers amis ou chefs directs de Pierre.
Madame Jean Hanoteau, le Général Florentin |
Nous
fûmes royalement traités au Palais d'Orsay. Quant à la cérémonie
religieuse, on se la représente dans le cadre imposant de la
Basilique, au milieu d'un concours énorme d'amis. Le discours, très
émouvant, fut prononcé par le premier vicaire, l'Abbé Colombel.
Les témoins furent : pour Magdeleine, le Général Florentin et
le Colonel Anthoine ; pour Pierre, ses oncles M. Jean Hanoteau
et le Commandant Faure.
Le Général Florentin, le Capitaine Jean Hanoteau |
Les
jeunes mariés nous quittèrent vite pour se rendre dans leur
appartement de Versailles et, de là, en Italie.
J'eus
le profond regret de n'avoir pas autour de nous, pour cette belle
fête, ni ma sœur Madame Gabrielle Hermil, ni mon beau-frère
Lacuire, empêchés l'une par son état de santé, l'autre par un
deuil cruel.
Suzanne
Lacuire et Marcelle Hermil, ainsi que Magdeleine Robert restèrent un
certain temps à la maison après le mariage.
Année
1913
Ce
fut une année calme. Déjà pesait sur nous le sentiment de notre
prochain départ de l'Armée. Je reçus la rosette de l'Ordre
d'Assouan et d'Orange-Nassau (Pays-Bas). Je fus nommé Officier
d'Académie et inscrit au tableau de concours pour Officier
de la Légion d'Honneur.
Au
mois de juillet, Maurice fut reçu Licencié en Droit avec
d'excellentes notes. Un de ses examinateur, M. Brouilhet, me dit que
sur la partie financière, il avait été extrêmement brillant.
Les
vacances arrivées, je restai à Paris, en raison de mon prochain
départ de la Grande Chancellerie, mais ma femme et ma fille Simone
allèrent passer un mois à Trégastel, pour la dernière fois. Je
profitais de mon veuvage pour rechercher des appartements et je fus
assez heureux d'en trouver un, 4 avenue Perrichont prolongée, à
Auteuil. Le choix de ce quartier m'était dicté moins par l'air
vaguement plus pur que par la proximité de quelques membres de notre
famille, les ménages Haubold et David. Cet appartement neuf était
sis au 1er
étage et comprenait : grand salon, petit salon, salle à manger
avec office, trois chambres de maître, deux chambres de bonne, une
salle de bains, cuisine, diverses dépendances et vaste antichambre,
le tout commode, confortable, moderne et bien éclairé.
Ce
fut le 12 septembre que nous dîmes adieu à la Grande Chancellerie
où nous avions passé près de huit années, dans les meilleures
conditions d'intérêt et de confort. Nous étions non seulement
logés gratuitement, mais encore chauffés, éclairés et dotés
d'une foule d'aubaines. Je ne serai jamais trop reconnaissant au
Général Florentin et à sa famille de tout ce qu'ils ont fait pour
les miens et pour moi. Je regrettai vivement mon bureau, le travail
intéressant et instructif auquel je m'y livrais, surtout au point de
vue de la connaissance du cœur humain. Je regrettai aussi les
membres distingués du Conseil de l'Ordre, le maître Bonnat, les
généraux Mensier, Marchand et Dubois, le Premier Président
Forichon, le Président au Conseil d’État Dislère, etc. avec qui
j'avais, de par mes fonctions, des rapports incessants.
Le
Palais, avec ses colonnades et sa magnifique rotonde, me rappelait
d'inoubliables souvenirs, soit pour les belles réceptions, soit par
les superbes dîners, soit par l'heureux mariage de ma fille
Magdeleine. J'avais été admis à la retraite le 12 août 1913.
Commandant Léon Etienne, Chef d'Escadron d'Artillerie |
L'emménagement
ne fut pas trop laborieux. Le confortable appartement dans lequel
nous nous installions adoucit nos regrets de quitter le 64 rue de
Lille, bien que, en raison de l'excentricité du quartier d'Auteuil,
l'obligation permanente de recourir à des moyens de locomotion en
commun présentât de sérieux inconvénients. En outre, nous
connûmes de nouveau l'heure douloureuse du terme. En compensation,
un peu plus d'oxygène et le voisinage du Bois de Boulogne.
Vers
le 25 septembre, alors que les derniers bibelots prenaient leur
place, Maurice, qui était de la classe, vint s'installer
définitivement chez nous et il fallut s'occuper de sa situation car
il allait avoir 23 ans. La première pensée fut d'utiliser ses
connaissances financières pour le lancer dans un grand établissement
de crédit. Je connaissais précisément un des Directeurs du Crédit
Lyonnais à Paris, un grenoblois nommé Iweins, qui me mit en
relation avec le Chef du Personnel, M. Walewski. Les offres les plus
avantageuses furent faites à Maurice comme début de carrière.
Mais, après réflexion, il préféra tenter l'examen de l'Inspection
des Finances, où nous avions aussi des amis. C'était évidement une
meilleure utilisation de son diplôme de Sciences Politiques.
D'ailleurs, dans une visite que je fis à cette dernière école, le
Secrétaire Général me donna des assurances flatteuses sur les
chances de mon fils, et il est probable qu'elles se seraient
réalisées sans l'affreuse guerre où Maurice donna sa vie pour son
pays. Nous ne nous doutions pas alors que tant de travail, tant
d'efforts aboutiraient à une tombe dans un village perdu de
l'Argonne.
Donc,
lorsque notre décision se fut arrêtée sur l'Inspection des
Finances, Maurice dut se faire inscrire dans un groupe, on dit
vulgairement une écurie, dirigé par un jeune Inspecteur-adjoint de
la dernière promotion. Mon fils choisit comme entraîneur M. Jean du
Buit, ancien élève de l'X, sujet des plus brillants, fils de
l'ancien Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Paris. Les examens
ayant lieu en mars, Maurice avait décidé de ne se présenter qu'en
1915, pour avoir le temps de se préparer convenablement. Il
travailla avec beaucoup de conscience, aidé très utilement par un
autre guide très sûr et plus ancien, M. de Vaugelas, également
Inspecteur, qui avait épousé notre amie Rose Ramel, de Carcassonne.
Tout permettait d'augurer un succès aux prochains examens, lorsque
la guerre néfaste de 1914 éclata. Les Inspecteurs des Finances du
Buit et de Vaugelas, ainsi que Maurice leur élève, devaient tous
les trois, à la fleur de l'âge, mourir pour la France.
Année
1914
Cette
année fatale débuta dans le calme, souvent précurseur de la
tempête. Magdeleine avait suivi son mari, détaché à Chartres avec
sa compagnie pour exploiter un tronçon de voie ferrée. Comme nous
avions des billets de réduction à 90%, nous allions très souvent
voir nos enfants et admirer la superbe cathédrale de cette ville.
Comme
je l'ai dit, Simone avait été reçue au Brevet élémentaire en
1912. A la rentrée des classes, il avait été tout d'abord décidé
qu'elle ne prendrait pas son Brevet Supérieur, mais se contenterait
de se perfectionner en suivant la 6ème supérieure du Cours Désir.
Elle aurait eu ainsi plus de temps pour étudier son violoncelle
qu'elle travaillait depuis quelques années, avec succès, sous la
direction éclairée de M. Kerrion, 1er
violoncelliste solo à l'Opéra Comique. Mais Simone, entraînée
par l'exemple de quelques amies intimes, voulut à toutes forces
entrer dans la classe du Brevet Supérieur. Elle y réussit
parfaitement et, au mois de juin 1914, le jour de ses 17 ans, elle
conquit brillamment son diplôme. Elle eut même, pour sa dictée
musicale, la note de 20/20, que ni Mozart ni Beethoven n'auraient pu
dépasser. Peu après, elle obtenait le diplôme supérieur
d'enseignement du Cours Désir. Ses classes étaient terminées et
elle n'eut plus qu'à se perfectionner par l'audition de quelques
conférences littéraires et historiques et à suivre des cours
d'anglais pour lesquels elle obtint une haute récompense.
Le
1er
mai, notre ami Robert maria son fils Georges avec Mlle. Suzanne
Boubal, fille d'un Avoué de Perpignan, leur cousin. Je fis le
déplacement pour assister à aux belles fêtes qui accompagnèrent
cette cérémonie. De là, je revins à Béziers où je passai huit
jours, choyé à merveille par la famille Robert. Ce ne furent que
joyeuses parties. On ne se doutait pas du coup de foudre qui allait
éclater deux mois après.
Partout
en France, d'ailleurs, l'optimisme semblait prévaloir. Le
rétablissement du service de trois ans, la plus grande facilité qui
en résultait pour le recrutement des cadres inférieurs de l'armée,
des récoltes qui s'annonçaient abondantes, un apaisement assez
prononcé au point de vue social, tout faisait bien augurer de
l'avenir, lorsque eut lieu l'assassinat de l'Archiduc héritier
d'Autriche à Sarajevo
par un serbe, au mois de juin. Par lui même, l'événement n'était
pas de nature à amener fatalement une conflagration européenne,
mais les suites prouvèrent la volonté évidente de l'Allemagne de
saisir cette occasion d'en arriver à la guerre désirée.
Juin
et juillet s'écoulèrent dans une tension diplomatique d'intensité
variable mais ininterrompue. Pendant ce temps, Maurice était choisi
comme capitaine de l'équipe première de Rugby du Stade Français.
Quant à René Lacuire, déclaré admissible à l’École Polytechnique, il vint à Paris le 20 juillet pour y subir les épreuves orales.
Maurice, Capitaine du Stade Français |
Quant à René Lacuire, déclaré admissible à l’École Polytechnique, il vint à Paris le 20 juillet pour y subir les épreuves orales.
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