Maurice
ETIENNE
Sous-Lieutenant
au 367ème Régiment d'Infanterie
Chapitre
II
1895-1899 :
de
Paris
à Grenoble, puis Montpellier – Premiers deuils
Dans
notre nouvel immeuble, j'avais retrouvé un capitaine d'Artillerie de
Versailles, promo
1880, Albert Crépey, qui venait de sortir premier de
l’École Supérieure de Guerre et qui était stagiaire au
Ministère, à
l'Etat-Major
de l'Armée. C'était le fils d'un colonel d'Artillerie, Commandeur
de la Légion d'Honneur, par
ailleurs fort
riche. J'eus l'idée de le proposer pour gendre à notre parent Jean
Édouard Vidil dont la fille aînée, Jeanne, était en âge de se
marier. Édouard accepta, et notre jeune cousine, accompagnée par le
Commandant Margot senior, arriva chez nous le 3 janvier pour y passer
cinq semaines. Plusieurs bals furent échangés avec succès, dont le
bal de l' « X » au
Continental. A la suite de ces entrevues, Édouard vint à Paris, à
l’Hôtel du Louvre, où le Colonel Crépey Etienne
lui demanda la main de sa fille. L'accord ne faisait aucun doute et
le mariage fut célébré à Grenoble, en grande pompe, en l’Église
St. André, dans la semaine qui suivit Pâques. De cette union,
naquirent deux enfants, Henri (1896) et Marie (1897), devenue en 1919
Mme André Hanoteau. Quant à Crépey Albert, le père, il devint
Général en 1914, et mourut en 1917 à Toulouse des fatigues de la
guerre au
cours de laquelle
il écrivit quelques pages glorieuses.
Pendant
ce temps, Maurice avait commencé de vagues études avec une
institutrice, Mlle de Laprade, mais il prenait surtout des
récréations. Il était censé faire de l'allemand avec notre femme
de chambre, une fräulein de Cologne que les enfants aimaient peu, et
dont nous nous séparâmes en avril.
Après
nous être concertés avec une famille très amie, celle du Capitaine
Collin, nous partîmes tous, le 24 juin, pour la plage de Saint-Quay
(Côtes du Nord), où les deux familles occupèrent pendant trois
mois une villa en commun. La famille Collin comprenait la père, la
mère, la belle-mère (Mme Jonvaux), un fils Pierre et trois filles,
dont une, Simone, délicieuse enfant, qui devait mourir un an après.
C'est en son souvenir que nous avons appelé notre troisième enfant
Simone.
La
plage de St. Quay, où l'on accédait par la station de St. Brieuc et
trois heures de diligence, est charmante malgré ses galets et ses
falaises dangereuses. Nos enfants s'y amusèrent beaucoup avec une
foule de petits amis. Maurice se baignait assidûment bien qu'il fût
extrêmement peureux et que l'on eût toutes les peines du monde à
l'immerger plus haut que les genoux. Un jour, il révolutionna
toute la plage par ses cris aigus. Il courrait comme un rat
empoisonné, traînant après lui un jeune chien qui, pour s'amuser,
le tenait happé par le fond de sa culotte. En dehors des
distractions de la plage, on organisait de fréquentes excursions à
l'intérieur des terres. Toute la petite famille prenait place sur
une pittoresque charrette, traînée par l’âne de la mère
Rozette, et Maurice avait l'illusion de conduire tout ce monde. On
vit ainsi la plage de la Palud,
les églises curieuses de Kermaria, de
Plouha,
et l'on mangea d'excellentes galettes. Actuellement, on va par voie
ferrée à St. Quay. Cette villégiature dura exactement trois mois,
et les enfants revinrent à Paris très fortifiés, mais bronzés
comme des sénégalais, Maurice surtout.
Au
début d'octobre, je me rendis à Grenoble pour assister au baptême
de mon neveu, René Lacuire, né en août chez ma sœur, Mme Hermil.
J'étais le
parrain.
Quelques
temps après, mon beau-frère Théo Lacuire, nommé à Paris, arriva
le jour même des obsèques du célèbre Pasteur. Le cortège
interminable et les innombrables couronnes offertes par les obligés
du grand savant retardèrent l'arrivée de mon beau-frère de plus
d'une heure. Bientôt, il fut rejoint par sa femme et ses deux
enfants, Suzanne et René, admirablement soignés par la plus dévouée
des nounous. Le ménage entier s'installa chez moi en attendant
l'arrivée du mobilier. Mon beau-frère, qui remplissait les
fonctions de délégué au Lycée Buffon, avait choisi un gentil
appartement au N°25 de la rue Bréa, 1er
étage, où il se trouva fort bien.
L'année
1895 se termina paisiblement. Nos enfants commençaient à bien
travailler, Maurice avec Mlle de
Laprade, fille d'un ancien officier du Train des Équipages, et
Magdeleine comme demi-pensionnaire au couvent du Sacré-Cœur,
au boulevard des Invalides. Les jours de congés, ils fréquentaient
les familles Laporte et Lacuire, au jardin du Luxembourg.
Année
1896
En
janvier, notre parenté à
travers les Vidil
s'accrut d'une unité, en
la personne d'Henri
Crépey, né à Grenoble. Après une hiver très rigoureux, vers
Pâques, ma sœur, Mme Hermil et ses deux enfants, Marcelle et André,
vinrent passer un mois à la maison, et deux mois chez notre sœur
Mme Lacuire. Cette réunion de famille fut très gaie et animée ;
elle fut complétée par l'arrivée de mon frère Émile (1861-1898)
qui, lieutenant au 112ème d'Infanterie à Antibes, venait d'être
promu capitaine au 2ème Zouaves à Oran. Ce fut notre dernière
réunion au complet, car mon frère nous quittera après une dizaine
de jours pour s'embarquer à Marseille, et nous ne devions plus
jamais
le
revoir.
Au
mois de juin, un peu avant de rentrer à Grenoble, Mme Hermil
contracta un rhume auquel nous ne fîment
pas attention tout d'abord, mais qui s'aggrava, dégénéra en
bronchite, et se trouva être, en somme, la manifestation de
l'implacable maladie de poitrine qui couvait depuis le décès de son
mari. Cette terrible affection, malgré les soins les plus énergiques
et les précautions les plus minutieuses, ne la quitta pas pendant 25
ans et se termina par une mort douloureuse à Nice le 6 juillet 1920.
L'été,
pour moi, se passait en voyages, sous la direction des professeurs de
l’École de Guerre. Me trouvant aux Écoles à feu, à Calais,
j'eus l'occasion de faire une reconnaissance le long des côtes et je
louais pour la villégiature d'été un confortable chalet (Ste.
Catherine N°4) à Berck-sur-Mer. Ma famille y séjourna du 23 juin
au 25 septembre. C'est la villégiature idéale, sans danger pour les
enfants, très pratique pour les pères de famille ayant leurs
occupations à Paris. Le pays, d'une salubrité exceptionnelle, grâce
à l'absence d'estuaire, fortifia nos enfants tour en leur procurant
le maximum de distractions pour leur âge. Nous y reçûmes la visite
de mon beau-frère Lacuire et de sa famille, de notre ami Maurice
Laforte (actuellement Inspecteur des Forêts), et de notre neveu
Hippolyte Keisser.
Vers
la fin septembre, toute la famille rentra à Paris. Comme les examens
de sortie de l’École Supérieure de Guerre ne se passaient que fin
octobre, et comme je nourrissais la pensée de me faire nommer à
l’État-Major de la Division de Grenoble, ma femme et mes enfants
allèrent passer octobre et novembre à La Tronche, chez ma sœur.
Effectivement, je fus affecté à la 27ème Division le 1er
novembre. C'était l'occasion de renouer nos anciennes relations et
de faire connaître à nos enfants le pays de leurs ancêtres. Nous
fûmes heureux dans le choix de notre appartement, qui, situé rue
Paul Bert, appartenait à M.Amédée Charvet, Conservateur des Forêts
en retraite ; Madame Amédée Charvet était la sœur de mon
beau-frère décédé, Gaëtan Hermil.
L'année
se termina parfaitement pour les enfants, au point de vue santé. En
octobre, la rentrée des classes fut le vrai commencement des études,
jusque là un peu fantaisistes de Maurice. Je le mis à l'externat
Notre Dame, dépendance du Petit Séminaire du Rondeau. Le Supérieur
était l'abbé Martin, ancien condisciple et ami, et il me promit que
notre fils nous ferait plaisir et honneur un jour. Cet horoscope se
vérifia, mais non dans le sens que nous y attachions l'un et
l'autre. Dieu jugea qu'il en était mieux ainsi, hélas !
Année
1897
C'était
la première fois depuis notre mariage que nous célébrions en
famille la fête du premier jour de l'an. Ce fut l'occasion d'une
belle réunion de famille et d'un superbe déjeuner chez M. Édouard
Vidil, parent et ex-tuteur de ma femme, le vrai chef de la famille.
Ces occasions de réunion plénière se feront de plus en plus rares.
Parmi les vœux qui furent présentés, un surtout, très
intéressant, s'adressait à la naissance d'un troisième enfant,
dont ma femme avait la promesse.
Maurice
tira un bon profit de son semestre d'hiver. Sa classe était dirigée
par une Sœur qui s'intéressait particulièrement à lui et dont le
portrait se trouve à coté de celui de mon fils sur la photographie
générale de la classe. On y voit les portraits des ses petits amis
Silvy, Fenoglio, Eymard, Duvernay…. qui,
après une jeunesse pleine de promesses, furent fauchés, hélas, par
l'effroyable guerre, comme Maurice.
Au
début du printemps, nos deux enfants eurent la coqueluche, qui fut
relativement bénigne et courte si on la compare aux cas observés à
cette même époque ; ce résultat semble dû à l'emploi d'un
remède homéopathique très efficace contre cette affection.
Le
15 juin, notre famille s'augmentait d'une fille, Simone (Marie
Thérèse), qui fut baptisée à l'église St. Louis le 18 du même
mois, par le curé Berthon, ancien aumônier de ma femme au
Sacré-Coeur de Montfleury. Le parrain était M. Édouard Vidil,
et la marraine Mme Thérèse Lacuire, sa tante paternelle.
Le
jour de la naissance, nos deux aînés avaient été envoyés de bon
matin chez Mme Émile Clément qui possède une superbe propriété
vers La Tronche. Nos enfants y passèrent la journée et, dans la
soirée, en rentrant, ils trouvèrent une petite sœur née à 11H30
du matin ; elle pesait 3K,250.
Les
débuts de Simone dans la vie ne furent pas brillants. Une splendide
nourrice que j'étais allé choisir à Aiguebelle (Savoie) et qui
semblait excellente, ne lui convint pas, sans doute ; notre
fillette, sans apparence de maladie organique, vomissait tout le lait
qu'elle prenait et dépérissait à vue d’œil. Nous nous décidâmes
à conduire nos enfants en vacances au Villard-de-Lans et, pour cela,
je louais ce que je trouvais de mieux à cette époque encore
primitive, la maison Aguiard. Il est probable que cette détermination
sauva la vie à Simone, grâce à l'air vif et très pur des 1000
mètres d'altitude. En tout cas, ce
séjour de deux
mois dans les sapins fit le plus grand bien à nos deux aînés, à
Maurice notamment. Ma sœur, Madame Hermil, était venue nous
rejoindre avec sa jeune famille.
Les
premiers froids d'octobre nous chassèrent du Villard, et les études
recommencèrent de suite. Magdeleine suivait avec le plus grand
succès le cours Micoud, que l'on surnommait « le Napoléon »,
et inaugurait ses leçons de piano. Maurice était bon élève malgré
quelques incartades avec les surveillants. Il avait appris à
calculer sur ses doigts avec une dextérité prodigieuse. L'hiver se
passa sans incident.
Année
1898
Les
premiers jours du printemps furent
marqués par les oreillons de nos deux aînés, ce qui détermina
leur isolement complet pendant 21 jours. La guérison fut rapide et
la santé générale des malades en sortit
encore améliorée. Simone s'obstinait à ne pas augmenter de poids
et à sucer son index droit, en serrant avec force son oreille gauche
de la main du même coté. C'est un tic qu'elle garda jusqu'à l’age
de cinq ans et qui faillit amener la flétrissure permanente de
l'index avec le décollement de l'oreille.
Nous
dûmes nous séparer prématurément de la nourrice qui laissa
seulement à notre plus jeune fille son beau teint pruneau
d'Italienne. Nous la remplaçâmes par une bonne nommée Marie dont
il existe plusieurs photographies portant Simone, le doigt dans la
bouche et les cheveux en broussaille.
Quelques
jours après Pâques, je m'entendis avec mon excellent ami, Paul
Jouvin (habitant Place de la Constitution et décédé subitement au
printemps 1921), qui me loua pour les vacances une gentille propriété
à la Basse-Jarrie,
près de Vizille. L'accord était à peine conclu que mon général
de Division, Faure-Biguet, était nommé au poste de commandant du
16ème Corps d'Armée à Montpellier, et me choisissait comme
officier d'ordonnance avec le Capitaine Margot. Grâce à la
bienveillance de mon chef, qui m'accorda de nombreuses permissions,
ma famille put jouir de toutes les vacances à Jarrie. La propriété
était charmante et nous passions une partie de nos journées chez
mon ami dont le propriété attenante était un modèle de confort.
Le curé, que je connaissais par ailleurs, le bon Abbé Brague avec
sa vieille sœur, nous rendirent de nombreux services. Nos deux aînés
s'y initièrent aux travaux des champs et au gardiennage des
troupeaux. Quant à Simone, elle restait solide et maigre à souhait,
et somme toute, elle se trouvait très bien au
grand air. Nous n'avions gardé que notre cuisinière, Alphonsine,
qui s'était attachée à Simone et ne laissait à personne le soin
de s'occuper d'elle.
Au printemps, j'avais fait mon stage réglementaire de Cavalerie, au 7ème Cuirassiers, Quartier de la Part-Dieu à Lyon. Ma cousine germaine Marie Capdepon venait d'avoir deux jumeaux, en mars, et se rétablissait avec peine lorsqu'elle fut emportée en quelques secondes par une embolie. Je venais de la voir quelques instants auparavant. Elle laissait trois filles et deux garçons, soit cinq enfants, dont trois devaient finir tragiquement. Marie était une mère de famille et une épouse admirable, d'un cœur et d'un dévouement que l'on ne saurait trop louer. Elle laissa après elle des regrets unanimes et sa disparition créa un grand vide dans la famille.
Pendant
ce temps, ma sœur, Gabrielle
Hermil, dont la santé ébranlée souffrait beaucoup du climat de
Grenoble, avait abandonné définitivement La Tronche et s'était
retirée avec ses enfants à Antibes où un ami de mon frère, le
lieutenant Mercier, leur avait trouvé une installation confortable.
Enfin,
le 2 octobre, notre déménagement complet de Grenoble effectué,
j'emmenais toute ma famille à Montpellier, 4 route de Palavas, dans
un hôtel particulier très bien aménagé, appartenant à M.
Dervieux. C'était encore la saison des taons
et
nous en fûmes très incommodés, nos enfants surtout avec leurs
jambes nues.
Il
fallut de suite s'occuper des études. Maurice fut mis externe au
collège catholique dirigé par les Pères Jésuites, dont le
Supérieur, le R.P. de Saulnes (actuellement, en 1921, évêque à
Madagascar), était un ancien élève de l’École Polytechnique,
ancien lieutenant d'Artillerie, de quelques promotions avant moi.
Maurice, très assidûment et énergiquement surveillé par sa mère,
commença à bien travailler sous le professorat du Frère Paul. Il
était malheureusement un peu jeune pour sa classe. Il fit preuve
tout d'abord d'une mémoire remarquable, et l'histoire n'était qu'un
jeu pour lui.
Quant
à Magdeleine, elle entra au Sacré-Coeur comme demi-pensionnaire. Le
breack du Couvent venait la chercher chaque matin. Notre fille
travaillait très bien, sauf pour le piano dont les professeurs
étaient au-dessous de toute quantité donnée, la musique y étant
considérée avec dédain comme un art, comme un art futile, presque
dangereux. La Supérieure était Mme d'Astros
et la Maîtresse Générale était Mme de Gissac, une main d'acier
dans un gant de crin.
Un
mois après notre arrivée, le 11 novembre, nous eûmes la douleur de
perdre mon frère Émile, décédé à Oran à l'âge de 37 ans,
comme Capitaine au 2ème Zouaves,. Son corps fut ramené à
Rives-sur-Fure (Isère), lieu de sa naissance (6 août 1861), où il
fut inhumé aux cotés de mon père et de ma mère.
Année
1899
Ce
deuil ne nous permit pas de faire des visites dès notre arrivée à
Montpellier et l'hiver se passa dans le plus grand calme. La santé
de Simone s'affermissait un peu, avec néanmoins quelques troubles
digestifs. Notre cuisinière, Alphonsine, nous quitta, et
bientôt, à cause d'elle, nous eûmes désormais une série de
cuisinières du midi, médiocres et raisonneuses.
Le
11 mai, Magdeleine fit sa première communion au Sacré-Coeur de
Montpellier. Son oncle maternel Joseph Salviany avait fait le
déplacement de Grenoble et donné un superbe chapelet de cristal
monté sur vermeil. Il y eut, dans la chapelle du Sacré-Coeur, une
cérémonie splendide et émouvante. Mme la
Générale Faure-Biguet y assistait. M. J. Édouard Vidil avait
envoyé un très beau Christ or et argent.
A
la fin de l'année scolaire, il fallut régler la question
villégiature car la température estivale y éprouve beaucoup les
jeunes enfants. Après la distribution des prix, qui fut
satisfaisante pour Maurice, et meilleure encore pour Magdeleine, nous
partîmes pour La
Salvetat , chef-lieu de canton de l'Hérault, situé à 16K de
Saint-Pons dans une région assez montagneuse. On y accède par le
col du Cabaretou,
à 1000 mètres d'altitude. Nous étions attendus à l'Hôtel
Calbérac, établissement d'aspect antique, avec une bonne cuisine de
ménage. La disposition des salles, au-dessus de vastes écuries mal
tenues, se prête à merveille à l'éclosion des mouches et à leur
éducation. Les objets de toute première nécessité y manquent ou
sont traités comme au Moyen-Age. Le service y est chose inconnue.
Néanmoins, l'air y est si pur, sur les bords de l'Agout,
que l'on passait sur l'absence de confort.
Pendant
tout l'été, Simone avait de fréquents vomissements et prospérait
peu. Le jour de son arrivée à La
Salvetat, elle eut encore un vomissement et ce fut le dernier. La
fraîcheur de la température et la pureté de l'air amenèrent la
guérison définitive. Désormais, grâce à un lait excellent et à
une alimentation dont les truites formaient la base, notre fille se
mit à se développer à vue d’œil.
Le
second jour après notre arrivée, il se produisit, dans ce pays
habituellement calme, un événement sensationnel. Un omnibus
particulier de grand style traîné par deux vigoureux timoniers et
un cheval de selle en flèche, avec d'élégants voyageurs sur
l'impériale, descendit les rues à belle allure et vint stopper
devant l'Hôtel Calbérac, aux grand ahurissement des indigènes.
Notre femme de chambre du midi arriva tout essoufflée, et nous cria
« Madame, voilà des millionnaires ». Nous apprîmes
bientôt que c'était une famille Robert (Louis),
originaire d'Ouveillan
(Aude) et domicilié à Béziers. Sans tarder, nous fîmes
connaissance. Il y avait un fils aîné, Georges, qui se lia avec
Maurice, et une fille cadette, du même nom
et sensiblement du même âge que Magdeleine, toutes deux devenues
vite d'excellentes amies, puis camardes du Sacré-Coeur.
Dès
lors, on ne se quitta plus durant tout le mois d’août et ce furent
des vacances délicieuses. Chaque après-midi, l'omnibus transportait
tout ce monde pour de charmantes excursions au voisinage et on
goûtait sur l'herbe fraîche et fleurie. C'est à cette époque que
nous fîmes connaissance du ménage Genyès, les meilleurs amis des
Robert, Genyès, surnommé Le Docteur par tout Béziers, on n'a
jamais su pourquoi.
Dans
la première semaine d’août, le Général et Madame Faure-Biguet
me chargèrent de leur trouver une villégiature nécessitée par une
violente poussée d'eczéma du Général. Je découvris Lacaune
(Tarn), chef-lieu de canton et station thermale à la limite de
l'Aveyron, à 10K environ de La Salvetat, où ils s'installèrent
dans de bonnes conditions.
Les
Robert nous quittèrent le 26 août pour aller préparer leurs
vendanges. Mais, de ces premières relations avec eux, naquit une
amitié qui ne s'est jamais démentie, de loin comme de près.
Octobre approchant, il fallut reprendre le chemin de Montpellier et
des classes. Nos enfants avaient fortifié leur santé et
regrettaient, avec leur liberté, les truites aussi exquises
qu'abondantes de l'Agout.
Peu
après la rentrée, je perdis mon camarade, le capitaine Margot, qui
fit ses deux années de troupes à Grenoble et fut remplacé par le
capitaine Joba. J'accompagnai le Général Faure-Biguet à Paris pour
la commission de classement, en novembre, puis eut lieu à
Montpellier, dans les salons de l'ancien Hôtel Montcalm, Quartier
Général du 16ème Corps, une superbe matinée dansante. Nous eûmes
le plaisir de retrouver d'anciens amis de Rives, M. et Mme Paul
Blanchet et leur fille Marguerite. Ce fut pour nous une excellente
relation et une liaison de tous les jours. Je dois aussi mentionner
une très belle matinée costumée chez le Général de Division
Decharme ; Maurice était costumé en Incroyable, ce qui lui
allait très très bien, et Simone en nounou, mais c'était elle qui
tétait son doigt. Ces costumes existent encore.
Dans
la dernière quinzaine de décembre, eut lieu à Grenoble le mariage
de le seconde fille de J. Édouard Vidil, Marguerite, notre cousine,
avec le capitaine Janin Maurice, qui fut pendant la grande guerre
Major Général des Armées de l'Est, Généralissime des troupes
tchéco-slovaques en Sibérie, et qui commande actuellement le 8ème
Corps d'Armée à Bourges. Ils eurent deux enfants, René (1900) et
Édouard (1904).
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