samedi 9 avril 2016

1890-1894 : de Saint-Etienne à Angoulême, de Versailles à Paris

Maurice ETIENNE

Sous-Lieutenant au 367ème Régiment d'Infanterie


Chapitre I
1890-1894 : de Saint-Etienne à Angoulême, de Versailles à Paris

Année 1890


Joseph Gabriel Maurice ETIENNE naquît à Angoulême, 13 rue du Ronclos, le 12 novembre 1890 à 11 heures du soir. Il était le second enfant du Capitaine et de Madame Léon Salviany. Son aînée, Elise Marie Magdeleine, avait exactement 21 mois.

Dès sa naissance, il apparaissait comme un garçon vigoureux, pesant 4K,500. Sa nourrice, Mme. Pierre Limousin, domiciliée aux Nègres, près de Ruffec, prit ses fonctions le troisième jour. C’était une femme sérieuse, dévouée, excellente nourrice, au teint basané, dont elle semble avoir communiqué une partie à son nourrisson.

La déclaration à la Mairie fut faite le 13 novembre par le père, accompagné de deux témoins, la capitaine Darton, du 34ème et le Capitaine Delmotte, du 21ème d’Artillerie.

Le baptême eût lieu à l’église paroissiale de St. Martial, le 19 novembre à 2h30 du soir. Son parrain était son oncle maternel M. Joseph Salviany ; sa marraine était sa tante paternelle Mme. Gaëtan Hermil, tous deux habitant Grenoble et empêchés de se déplacer. Aussi furent-ils remplacés à la cérémonie, l’oncle Joseph par le Lieutenant-Colonel Ploix, décédé comme Général de Brigade, et la tante Gabrielle par Mme. Darton.

Dès que la mère fut complètement rétablie, le 12 décembre, le dîner de baptême eût lieu. Les convives étaient : le Lt.Colonel Ploix, le Capitaine et Mme. Darton, le Capitaine et Mme. Delmotte, amis et voisins, le Capitaine et Mme. Luc, de l’Ecole d’Artillerie, et les parents.

Au menu : potage velouté, bouchées à la reine, turbot sauce hollandaise, filet de bœuf aux truffes avec champignons à la crème, faisans truffés, fois gras du Périgord, glaces, desserts. Le tout arrosé de Ht.Sauterne, Mouton-Rothschild et champagne Clicquot.

Le dîner fut exceptionnellement gai et bon. Au dehors, il faisait une température sibérienne, qui dura plus de deux mois, en sorte que les journées des nouveau-nés se passèrent dans la maison, d’ailleurs grande et confortable. Conformément aux usages d’Angoulême à cette époque, chaque habitant possédait sa maison particulière avec petit jardin. La nôtre comprenait trois étages avec cuisine, grand office, lingerie, salon, salle à manger, bureau, quatre chambres de maître avec cabinet de toilette, deux chambres pour domestiques, fruitier, grenier, etc… Outre la nourrice, le personnel se composait d’une cuisinière, Louise, surnommée Zonzette par Magdeleine, et une femme de chambre, Marie, qui nous quitta peu après.

Année 1891

En janvier, à la suite d’une permutation, je fus nommé inspecteur d’armes à la Direction d’Artillerie de Versailles. Toute la famille quitta Angoulême le 10 février et descendit à l’Hôtel Suisse, à Versailles, avant de s’installer dans l’appartement choisi, 18 rue Neuve. Il était situé au rez-de-chaussée surélevé d’un immeuble très confortable appartenant à Me. Renaud, Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de cette ville, dans un quartier tranquille, à proximité du Bassin de Neptune. Il comprenait un salon, salle à manger, cuisine, trois chambres de maître et de nombreuses dépendances, dont un vrai petit jardin qui rendit les plus grands services pour l’éducation de nos enfants.

Les premiers mois de 1891 s’écoulèrent sans incident. Au mois de juillet, mon beau-frère, le Docteur Hermil, qui venait d’avoir un fils, André, le 22 avril, succomba à Grenoble des suites d’une inconsolable maladie, laissant une veuve, ma sœur Gabrielle, avec deux enfants en bas âge.

En raison de ce douloureux événement et de notre déménagement du début de l’année, nos vacances se passèrent à Versailles. Le jeune Maurice continuait à se porter admirablement. L’air pur et vivifiant du Parc, et surtout des Trianons, où leur mère les conduisait régulièrement avec un admirable dévouement, convenait parfaitement à nos deux enfants.

Au mois d’octobre, ma sœur Thérèse, âgée de 22 ans, sujette à une anémie assez prononcée, vînt passer l’hiver à la maison, où elle ne tardera pas à retrouver la santé.

Année 1892

L’hiver 1891-92 n’offre rien de remarquable, sauf que le jeune Maurice fut sevré et que notre cuisinière Louise, amenée avec nous depuis St.Etienne et Angoulême, nous quitta sans nous prévenir, pour une augmentation mensuelle de gages de 10 Francs.

Le mois de mars fut marqué par le projet d’union entre ma sœur Thérèse et M. Théophile Lacuire, Professeur de langues vivantes au Collège d’Arbois. Le projet fut amorcé par mon oncle, le Commandant Aimé Mathieu, qui avait déjà pour neveu, du coté de sa femme, M. Gustave Lacuire, Percepteur à Givors, frère de Théophile. Après plusieurs entrevues chez nous ou à Paris, le jeune homme fut agréé et le mariage fixé à La Tronche près de Grenoble, chez Mme. Hermil, la sœur de la future, pour le mois d’août suivant. Théophile Lacuire avait 25 ans et son père était également Percepteur, à Bâgé, dans l’Ain.

A l’occasion de cette fête, toute la famille, nos enfants compris, alla passer deux mois de vacances à La Tronche chez Mme. Hermil. Des photographies prises dans le jardin de ma sœur montrent Magdeleine et Maurice le jour de la cérémonie.

La fin de 1892 n’apporta aucun fait digne d’être relaté. Nos enfants se sont liés avec ceux du Capitaine de Génie Hourdaille.

Année 1893

La situation ne se modifia pas. Les enfants passaient leur après-midi à Trianon ou dans le Parc, fréquemment seuls avec leur mère, quelquefois avec les enfants du Capitaine d’Artillerie Collin. Maurice commençait à se développer beaucoup au contact de cette vie en plein air. Il avait pris la mauvaise habitude, en jouant avec ses jeunes amis, de leur serrer le cou d’une manière inquiétante pour leur respiration.

Comme en 1892, le deux mois de vacances se passèrent à La Tronche, chez ma sœur Mme. Hermil. Les cousins Magdeleine et Marcelle Hermil d’une part, Maurice et André Hermil de l’autre, d’âges équivalents, s’entendaient très bien. Il arriva qu’en jouant dans le jardin, André donna par mégarde un violent coup de pioche qui atteignit Maurice au front, à quelques millimètre au-dessus de son arcade sourcilière gauche. D’un rien, notre fils perdait l’œil. La cicatrice resta visible jusqu’aux derniers jours de sa vie.


1- Magdeleine & Maurice à La Tronche 1893

Pendant ces vacances, Magdeleine et Maurice allèrent passer une journée à Saint-Lattier, berceau de la famille Etienne, dans la belle propriété des Martins, appartenant à la branche Eugène Etienne. Cette propriété allait être prochainement aliénée, comme l’avait été, en 1891, celle de l’Olivier que nous possédions de notre père.

Nos enfants passèrent aussi plusieurs journées à Eybens, chez l’ancien tuteur de ma femme, M. Jean Edouard Vidil. Nos enfants furent aussi photographiés pendant les mêmes vacances chez Martinotto ; un de ces portrait représente Maurice à cette époque. C’était un gros bébé joufflu et gracieux, plein de vie, le visage encadré d’abondants cheveux blonds, dont une boucle a été conservée. Elle fait un curieux contraste avec ses cheveux, tournés au noir franc, et avec sa physionomie générale devenue très brune par la suite.

A la fin septembre, eut lieu la rentrée à Versailles. Nos enfants passèrent un excellent hiver, surtout Maurice qui se développait à souhait. Comme le temps n’était pas toujours favorable aux sorties, on jouait bruyamment à l’intérieur dans la vaste antichambre. Assis sur une chaise, Maurice faisait le cocher et conduisait sa sœur qui, trônant sur une seconde chaise simulant l’arrière de la voiture, faisait la mariée, parée d’un long voile blanc.

Pour se reposer, Maurice, qui était désolé lorsque sa mère sortait sans lui, venait s’asseoir près d’elle, sur ses jupes, pour être bien sûr qu’elle ne partirait pas et me disait quand je rentrais : « j’ai bien gardé Maman. ». Il devait rester longtemps très enfant, très affectueux, jusqu’à l’ère néfaste du grec et du latin où il fallut s’asseoir aussi, mais sur les bancs du collège.

Année 1894

Au mois de janvier, naquît à Agen une nièce à moi, Suzanne Lacuire, fille de Théophile, professeur au lycée de cette ville. Je fis, à cette occasion, le déplacement pour assister au baptême. Le parrain était M. Lacuire père, qui, en débarquant à Agen, fut prestement soulagé par un tire-laine de son portefeuille bien garni.

Au début du mois de mai, Maurice, qui n’avait pas eu jusque là le moindre bobo, fut atteint d’une forte fièvre. Après quelques jours d’incubation, une scarlatine fut diagnostiquée par le Docteur Laurent. Il était urgent d’isoler la sœur de son frère. Magdeleine, qui n’avait alors que 5 ans, fut placée comme pensionnaire au couvent de Grandchamps, au-dessus de Satory, là où Sarah Bernhard fut élevée, dit-on.
J’allais la voir tous les jours et je l’emmenais se promener dans le Parc. Sa mère, qui couchait dans la même chambre que Maurice, ne la voyait que de loin. La maladie suivit son cours normal et la réclusion de la pauvre mère dura quarante jours, bien durs à passer à la chambre en pareille belle saison. Cette maladie avait été communiquée à notre Maurice par son ami Maurice Hourdaille. Notre fils en sortit très fortifié, et les circonstances permirent de lui procurer une villégiature bien appropriée.

En effet, après avoir été reçu en avril à l’Ecole Supérieure de Guerre, je fus détaché le 20 juin pour trois mois dans le 7ème Corps, pour remplacer mon collègue inspecteur d’armes indisponible. Je fixai mon lieu de résidence à Lure (Hte. Saône) d’où je rayonnais pour mon service quotidien dans tout le 7ème Corps. Lure n’offre pas de grandes ressources, mais le pays ne manque pas d’agrément en été. Nous fûmes assez heureux pour trouver un gentil pavillon dans une propriété bien située et appartenant à Mme. Lomond. Nos enfants eurent ainsi la facilité de passer toutes leurs journées en plein air. Fréquemment, on les menait en voiture sur les bords de l’Ognon, du Breuchin, etc… où ils se baignaient, pêchaient et jouaient. La région offre cent charmantes excursions et la vie y est facile. Maurice avait une frayeur manifeste d’un couple de paons, hôtes du jardin, qui étaient plus grands que lui et aimaient à le poursuivre. Enfin, cette villégiature lui réussit bien, grâce au bon air et à l’excellente cuisine de Catherine, femme de ménage alsacienne que nous avions adoptée pour la saison.

Ma mission terminée, fin septembre, nous revînmes tous à Versailles. Il fallut de suite se disposer à déménager pour nous rendre à Paris, les cours de l’Ecole de Guerre commençant le 1er novembre.

L’appartement que nous choisîmes se trouvait 79 avenue Bosquet, 4ème étage, tout près de l’école militaire. L’installation eût lieu dans les premiers jours d’octobre et Maurice commença immédiatement ses exercices d’équitation dans la vaste antichambre, sur un superbe cheval de bois.

En même temps, Mme. Laforte, une grande amie de Maurice, dont le fils venait d’être reçu l’Institut Agronomique, vînt s’installer à Paris 13 rue Mézières.

Cette période ne présente aucun fait intéressant concernant Maurice, qui continuait à se développer normalement, et qui, à sa grande fierté, venait d’arborer les vêtements d’homme. Nous avions comme cuisinière une luxembourgeoise nommé Anna ; elle nous procura, comme bonne d’enfants, une compatriote, sa cousine, qui enseignait sans grand succès l’allemand à nos enfants. Mais comme elle abusait de la manière forte, nous devrons la congédier.





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