jeudi 9 juin 2016

1917-21 : les hommages & témoignages

Maurice ETIENNE

Sous-Lieutenant au 367ème Régiment d'Infanterie


Chapitre X

1917-21 : les hommages & témoignages




Année 1917



Il me reste à mentionner les renseignements et témoignages qui nous parvinrent depuis lors.

Renseignements donnés par son ordonnance Bellouet.

Depuis quelques jours, le 367° était violemment engagé contre un retour offensif boche et, à un moment, il fallut renforcer le 3° Bataillon qui était vivement pressé. La 4° compagnie de mitrailleuses reçut, en conséquence, l'ordre de détacher un peloton au secours de ce bataillon, et la fatalité voulut que ce fut le peloton commandé par Maurice. Ce dernier arriva au secteur Huguenot, côte 304, près d'Esnes (Meuse) et prit ses dispositions de combat. Ses hommes étaient défilés dans une tranchée, lui, séparé seulement de son peloton par l'épaisseur d'un pare-éclats qui empêchait ses hommes de le voir. Muni de sa lorgnette, la tête dépassant un peu la crête du parapet, il surveillait les abords de la position. Toutes les cinq minutes, Bellouet venait s'assurer de sa présence et prendre ses ordres.La mitraille faisait rage. Vers 19H15, en accomplissant ce mouvement, l'ordonnance ne voit plus son lieutenant contre le parapet, mais l'aperçoit étendu par terre, sans mouvement, sa lorgnette à ses côtés. Il se précipite, appelle du secours, mais tout était inutile. Les deux blessures apparentes, celle du cœur notamment, étaient mortelles. Le visage ne portait l'indice d'aucune souffrance. Le pauvre lieutenant était mort sur le coup.

Bellouet se hâta de relever le corps et de le transporter à l'arrière, avec l'aide de quelques camarades, jusqu'à l’Échelon, puis à Dombasle, à quelques kilomètres de là (10K). Le lendemain, le corps fut mis en bière et inhumé au cimetière annexe, contigu au cimetière paroissial, après qu'un service eut été célébré dans l'église à demi-ruinée, par les soins de l'aumônier de la 73° Division.

Le dévoué ordonnance affirme que son lieutenant était adoré de ses hommes, qu'il ne brusquait jamais et dont il obtenait tout par l'exemple et la persuasion. Cette assertion est d'ailleurs corroborée par une lettre du 7 août 1917 adressée à ma femme par les hommes de son peloton, qui attestent en termes attendrissants leurs unanimes regrets et leur profonde affection pour leur chef.

Son ami, le Lieutenant Bussienne, aviateur, nous envoie d'abord les objets personnels de Maurice ainsi qu'un certain nombre de photographies intéressantes relatives à leur temps de séjour dans les tranchées, enfin une photographie de la sépulture qu'il a pu faire aménager très convenablement à l'aide des hommes de son escadrille.
Sépulture de Maurice Etienne à Dombasle

On remarque sur la tombe plusieurs couronnes, dont une splendide vu le moment de la situation, offerte par les officiers du 367° à leur regretté camarade.

Le 12 août, son ancien ordonnance, le brave Pouteau, gravement blessé et évacué, venant de subir l'opération de la laparotomie médiane, nous écrit de Savault, son patelin, une lettre touchante pour exprimer toute la douleur qu'il éprouve en apprenant la mort de son ancien lieutenant, si brave, si bon pour lui, si aimé et estimé de tous. Il accepte avec reconnaissance l'envoi d'une photographie qui occupera chez lui la place d'honneur.

Voici maintenant un certain nombre de lettres émanant de personnes qui l'approchaient au moment de son décès et se trouvaient à même de l'apprécier.

Lettre du 13 Août 1917 du Colonel Mauche, commandant le 367° RI, au Commandant Etienne.

« Le Ss. Lieutenant Etienne, votre fils, était un des meilleurs officiers du 367°. Très actif, très convaincu, il mettait toute son intelligence et tout son cœur à accomplir son devoir.

Chef énergique et bienveillant, il était suivi avec entrain par ses mitrailleurs, toujours attentifs à son geste ou à sa voix.

Il est mort en brave au moment où, arrivé en renfort auprès d'un bataillon qui venait d'être violemment attaqué, il se préparait à arrêter et à briser la progression de l'ennemi avec ses mitrailleuses.

Le 367° conservera de lui le souvenir d'un excellent officier et d'un charmant camarade.
Veuillez me permettre de vous adresser mes très vives et sincères condoléances. Votre grande douleur sera atténuée par la pensée que votre fils est mort en brave et a toujours donné le bon exemple.

Mauche »

Le 15 Août 1917, lettre du Lieutenant Pinot, commandant la 4° Cie. de Mitrailleuses, à Madame Etienne.

« Excusez-moi, Madame, d'avoir mis aussi longtemps à vous répondre. Mes nombreux déplacements en sont la cause. Hélas oui, Madame, notre meilleur camarade et – j'ose le dire – notre meilleur ami n'est plus. Estimé de tous, il laisse ici des regrets sincères. A la Compagnie surtout, où il était très aimé, sa mort a causé une peine profonde et tous se sont présentés comme volontaires pour ramener son corps à l'arrière, malgré le danger du moment. Il repose en ce moment dans le petit cimetière de Dombasle-en-Argonne, où vous pourrez facilement retrouver ses restes. Très courageux, il l'était ; le colonel de notre régiment a dû en faire l'éloge à M. Etienne. Il était monté en ligne, très gai comme d'habitude. Chaque jour, un agent de liaison allait de son poste au mien, m'apportant chaque fois un mot rempli de gaîté. Oh ! Certainement, non, il n'avait pas le pressentiment de ce qui allait lui arriver. Sous le bombardement, il faisait l'admiration de tous, rassurant ses hommes, les mettant en confiance. Et ce malheureux obus est venu ! Sa mort fut instantanée. Il est tombé sans un geste, les traits réguliers de son visage ne laissant percevoir aucune trace de douleur. Il est mort bravement, et une citation, qui sera pour vous un ultime souvenir, a été proposée en témoignage de sa vaillance à ces derniers combats.

Croyez, Madame, que tous, nous compatissons à votre douleur. Son souvenir nous restera profondément gravé. Quand nous sommes réunis à notre table, nous parlons très souvent de lui. Quel vide, aussi, parmi nous !

Permettez-moi, Madame, de vous présenter, ainsi qu'à M. Etienne, mes plus sincères sentiments de condoléances, et recevez l'expression de mes plus respectueux hommages.

Lieutenant Pinot »

Voici maintenant trois lettres très consolantes sur le point le plus important, l'au-delà. Elles émanent d'aumôniers qualifiés et ayant vécu au milieu des tourments de la guerre.

Le 5 Août 1917, lettre de l'Aumônier aux Armées de la 73° Division.

« Madame,

Je connaissais votre enfant et, comme tous ceux qui l'approchaient, j'avais pour lui la plus grande estime et la plus sincère sympathie.

A chaque rencontre, nous échangions quelques mots empreints de la plus franche cordialité. Il parcourait les différents postes de ses hommes, très calme et toujours souriant, malgré le danger croissant. Il me fit, me serrant la main, la recommandation de ne pas prolonger mon séjour dans sa tranchée. Le lendemain, apprenant sa mort, je fus consterné et peiné profondément. Ses chefs, ses camarades, ses hommes le pleurèrent. C'était justice.

Les mitrailleurs descendirent son corps à Dombasle où mon auxiliaire se trouvait. C'est lui qui fit la cérémonie religieuse. Avant notre départ de la région, j'allais réciter une prière sur sa tombe qui est dans le cimetière voisin du cimetière communal. Un encadrement en bois l'entoure. Elle restera donc en parfait état et vous aurez cette consolation de retrouver sa dépouille.

Soyez certaine que son âme fut accueillie par Dieu. Ce matin, au service solennel pour les braves du 367° tombés aux derniers combats, je répétais aux soldats que la mort n'est pas une ruine mais un changement, une exaltation, et – pour l'homme de devoir, de conscience, d'immolation – une apothéose. Non seulement votre enfant était brave jusqu'à l'héroïsme ; il était encore droit. Et c'est vrai que le Bon Dieu a des trésors d'indulgence et de miséricorde pour ceux qui donnent leur vie quand le devoir l'exige.

J'aurai un souvenir fréquent, dans mes prières et au Saint Sacrifice de la Messe, pour son âme, puisque l’Église nous demande de prier beaucoup pour nos morts, mais ne le pleurez pas comme ceux qui sont sans espérance et qui ne savent pas se confier à l'infinie bonté de Dieu.

Daignez, Madame, agréer mes respectueuses condoléances, mes profonds hommages et l'assurance de mes sentiments les plus dévoués.

A. Leclère »

Lettres du 18 Août 1917 et du 31 Août 1917, écrites au front, du R.P. Barat, Missionnaire O.M.I. à Madame Etienne.

« Madame,

Avant-hier, j'étais à orner les tombes de nos soldats dans un cimetière du Front, quand deux poilus m'abordèrent, cherchant en vain la tombe du Ss.Lieutenant Maurice Etienne. Elle était beaucoup plus à l'arrière, au village de Dombasle, non dans le cimetière paroissial, mais dans un cimetière militaire adjacent et clôturé d'une haute palissade de jonc. Je suis allé là-bas ce matin, moins pour reconnaître la tombe que pour prier sur les restes mortels du vaillant officier.

Je la connaissais déjà cette tombe, pour l'avoir remarquée entre toutes les autres pour sa croix plus grande, pour sa plus riche ornementation et par le soin avec lequel elle est entretenue. Des mains pieuses et dévouées y déposent régulièrement dans un vase un gerbe de fleurs. Ce sont actuellement des dahlias de diverses couleurs. Les plantes d'arrière-saison y poussent en pleine terre sur toute la surface de la tombe, entourée d'une balustrade peinte. Une plaque de métal appliquée à la croix reproduit toutes les indications voulues, inscrites déjà sur la croix. Deux magnifiques couronnes sont posées sur la clôture de la tombe : l'une, appuyée à la croix, est celle offerte par le Lt.Colonel du héros, l'autre, tressée de roses et de violettes, est celle des officiers et soldats à leur cher ami et camarade, comme le porte l'inscription elle-même.

Je suis heureux, Madame, de pouvoir vous donner ces indications et veuillez agréer l'hommage de ma douloureuse sympathie. De pareils deuils sont crucifiants pour le cœur, oui, mais vous n'ignorez pas comment meurent nos soldats, en héros et en catholiques, tous. Donc, nous devons porter fièrement le deuil de nos chers disparus, avec la douce confiance qu'ils jouissent de l'éternelle récompense des élus, que – de là-haut – ils continuent de veiller sur nous, de vivre au milieu de nous, de nous porter au bien, de telle sorte que nous puissions nous-mêmes, un jour, les retrouver et vivre avec eux une vie d'éternelle union dans le Seigneur.

Le Père Barat, Missionnaire O.M.I. »

Seconde lettre.

« Madame,

J'ai reçu avec reconnaissance la lettre si digne et si noble que vous avez daigné m'adresser le 25 août, en réponse à quelques renseignements qu'il m'était bien facile de donner.

Douloureusement impressionné d'apprendre que le Ss.Lieutenant Maurice Etienne est le fils du Commandant. Je me fais un devoir, Madame, de vous redire mes sentiments de respectueuse condoléance, comme aussi mon admiration pour la noble victime tombée au champ d'honneur. Ce sont là des morts que le cœur, que la nature doit pleurer, mais que – en réalité – nous ne pouvons pas ne pas envier, tant elles ont de beauté, tant elles renferment d'espérance !

Vous craignez, Madame, en chrétienne, que votre fils n'ait été qu'un héros ; vous souhaiteriez le voir martyr, parce que le martyre appelle la récompense des élus, nécessairement, en tant que suprême témoignage de la Charité Parfaite…

Le soldat héroïque, Madame, et votre fils en est un, est celui qui a envisagé clairement tout son devoir, et accepté généreusement, d'une façon au moins tacite mais réelle, le devoir difficile et même le sacrifice suprême de l'effusion de sang. Et le devoir – en la circonstance – qu'est-ce donc ? Défendre sa patrie, venger la justice violée, donc sauver ses frères, protéger les autels et les foyers de la patrie, n'est-ce pas la forme supérieure de la charité, suivant la parole du Sauveur : « Nous n'avons pas de meilleur moyen de pratiquer la charité que de donner sa vie pour ceux qu'on aime. » Si donc le simple fait d'envisager et d'accepter chrétiennement la mort sur le champ de bataille constitue un acte de charité parfaite, nous sommes fondés à espérer fermement pour nos héros le parfait bonheur des élus. Eh oui ! Jésus choisit ses victimes, parce qu'il faut pour le salut du pays des victimes d'agréable odeur, et si Il réclame avec le sang des fils, les larmes des mères, c'est après avoir versé Lui-même, Fils Innocent, jusqu'à la dernière goutte de son sang et après avoir mêlé à son sang rédempteur toutes les larmes de la plus tendre, de la plus pure des Mères, devenue par le fait notre co-rédemptrice et notre Mère.

Confiance donc, Madame ! J'ai bien connu le Commandant Etienne, depuis trois ans que je suis là…… etc.

Nous sommes redescendus de la fameuse côte reconquise, pour quelques semaines au repos à l'arrière. J'ai donc quitté votre chère tombe, mais je puis vous assurer, Madame, de mon souvenir fréquent à l'autel, à vos intentions et en faveur de votre cher enfant.

Hommage de religieux respect,
Le Père Barat, Missionnaire O.M.I. »


Voici enfin une lettre écrite d'Alger le 4 Octobre 1917, du Médecin-Major Aubry, qui était son camarade au 367°.

« Madame,

Je trouve votre lettre à mon retour d'Algérie, après une permission qu'une maladie de ma femme a prolongée, et je suis confus du retard que j'apporte à vous répondre. J'en suis d'autant plus navré que votre lettre est de celles auxquelles j'aurais voulu répondre immédiatement, par respect profond pour votre douleur si noble et si haute, en souvenir de mon cher camarade disparu, que nous pleurons chaque jour.

Je sais que vous avez eu, par le Lieutenant Pinot, des détails sur les circonstances dans lesquelles votre malheureux fils a été frappé. Nous le savions tous brave, ardent, audacieux, mais également froid et réfléchi. Il était de ceux qui, même dans les moments les plus critiques, savent conserver un sang calme et juger rapidement la situation. Les hommes qu'il commandait avaient senti en lui un chef et le suivaient aveuglément. Le connaissant tel, nous savions qu'il conduirait toujours judicieusement les siens, en leur évitant les pertes inutiles, même dans les circonstances les plus critiques. Et c'est un obus quelconque, anonyme, un de ces obus qui battaient furieusement notre ligne, qui l'a frappé à l'instant où il cherchait à se rendre compte en regardant par-dessus le parapet de la tranchée. Le Docteur Laurière, du 4° Bataillon, qui l'a vu presque aussitôt, m'affirme qu'il n'a pas souffert et que la mort a dû être foudroyante. Il a été relevé aussitôt et conduit au poste de secours du bataillon, puis transporté à l'arrière par les hommes de sa compagnie, atterrés par ce malheur. Ils adoraient leur officier, jeune, beau, vaillant. Ils connaissaient encore mieux que nous son énergie, son cœur ardent et généreux, toujours ouvert aux belles pensées, aux nobles sacrifices.

Quant aux officiers du régiment, à ses chefs, à ses camarades, comme n'auraient-ils pas aimé ce grand garçon aux yeux purs et droits, à l'abord si franc et si loyalement bon ?

Sa mort a été un deuil pour tous et il ne se passe un jour où nous n'évoquions le souvenir de sa jeunesse et vibrante amitié, à jamais perdue. Pour moi, Madame, j'avais compris et aimé dès le premier contact sa nature enthousiaste et généreuse, et j'étais touché d'avoir éveillé sa sympathie.

Malgré la différence de nos âges, nous nous étions lié de suite d'amitié, heureux d'échanger une poignée de main, un sourire, au tournant d'un boyau ou dans un abri, heureux de nous trouver semblables dans la foi et l'espérance en la victoire finale de notre cher pays.

Hélas, il est tombé, lui encore, après tant d'autres ! C'est payer bien cher la victoire que de l'acheter avec un sang si noble, si jeune, si généreux. Notre front, ici, s'assombrit chaque jour ; et si ce peut être une atténuation à votre inconsolable et trop juste douleur, dites-vous bien, Madame, que nous pleurons tous, ici, votre cher disparu. Il est resté dans notre souvenir à tous. C'est une tristesse pour toutes nos réunions que de ne plus revoir ce regard calme et grave, ce jeune et généreux cœur. C'est un grand exemple aussi, et en pensant à lui personne ne doit oublier la leçon de ce sublime sacrifice.

Je regrette de n'avoir pas pu vous apporter, à mon passage à Paris, l'hommage de ma respectueuse sympathie.

Veuillez agréer, Madame, mes plus respectueux hommages,

Dr. Georges Aubry »

Ces quelques lettres accompagnées d'une foule de témoignages oraux et de nombreuses marques de sympathie, attestent les sentiments d'estime et d'affection que notre cher Maurice avait su inspirer chez tous ceux qui l'approchaient. Je dois ajouter que sa mort héroïque ne fut pas stérile. Dès le lendemain, la série de sanglants combats dont j’ai parlé se termina par l'enlèvement définitif de la fatale côte 304 par le 367°. Dieu devait bien ce succès à tant d'efforts, à tant de sang versé.

Le général commandant la 2ème Armée, sous le N°843, citait à l'Ordre de l'Armée :

« Les 4 compagnies de Mitrailleuses du 367°RI qui, groupées en vue d'une contre-attaque immédiate, sous les ordres du Commandant Léro, commandant le 4° Bataillon du 367°, ont réussi, grâce à leur vaillance et une liaison intime entre tous leurs éléments, à refouler victorieusement l'ennemi, à reprendre les tranchées qu'il avait enlevées et à s'y maintenir, malgré de vigoureuses contre-offensives, arrêtant ainsi définitivement son avance et lui faisant des prisonniers. »

De Là-Haut, Maurice a dû accueillir avec fierté ce bulletin de victoire, contresigné de son sang, heureux présage du triomphe définitif de nos armes, de la justice, du droit et de la libération du territoire français.

Désormais, il peut dormir en paix son dernier sommeil et recevoir sur sa tombe, fleurie par des soins pieux, les hommages de reconnaissance et d'admiration de ceux qui lui ont survécu. Il repose pour toujours en terre française.

Pour terminer ce qui a trait à la mémoire de Maurice, en dehors des manifestations religieuses qui eurent lieu à la paroisse d'Auteuil, j'ai à signaler ce qui suit…

En l'église de N.D. d'Auteuil, une belle plaque en marbre blanc, sur laquelle sont inscrits en lettres d'or les noms des paroissiens morts pour la France a été érigée, à droite en sortant. Le nom du Lieutenant Maurice Etienne y figure, mais avec une date erronée : 1916 au lieu de 1917.

A l’École des Sciences Politiques, rue St. Guillaume à Paris, j'avais immédiatement fait part au Directeur de la mort glorieuse de Maurice. Il me répondit, par la plume de Monsieur Claudel, Secrétaire Général, par la lettre ci-après, datée du 14 Août 1917.

« Monsieur,

C'est avec un profond sentiment de douleur que l’École des Sciences Politiques a appris le deuil cruel qui vient de vous frapper et je m'empresse de vous transmettre l'expression des vives condoléances du Directeur et du Corps professoral de l’École.

Le souvenir de votre glorieux sacrifice ne périra pas ici. Le nom de Maurice Etienne figurera au Livre d'Or de l’École. Je vous serais très reconnaissant de me communiquer à ce sujet les détails touchant à la carrière militaire de Monsieur votre fils, qu'il serait intéressant de consigner dans les archives de la Société des Anciens Élèves.

Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments personnels de profonde condoléance et de vive sympathie.

Claudel
Secrétaire Général »

En réponse à cette lettre, je m'empressai de fournir les renseignements demandés et je reçus, avec les exemplaires de la notice annoncée, le mot ci-après, daté du 20 Février 1918.

« Monsieur,

Je vous fais parvenir quelques exemplaires de la notice que le dernier Bulletin de la Société des Élèves de l’École des Sciences Politiques vient de consacrer à Maurice Etienne. C'est un bien petit hommage rendu à cette belle mémoire. Vous y verrez du moins la preuve que son souvenir ne périra pas parmi nous.

Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments les plus tristement sympathiques.

Claudel »

Enfin, lorsque la décoration de Chevalier de la Légion d'Honneur à titre posthume de Maurice eût paru au Journal Officiel, j'en fis part à l’École et je reçus la dernière lettre que voici, datée du 18 Juillet 1920.

« Monsieur le Commandant,

Je m'empresse de vous remercier de la communication que vous avez bien voulu me faire de la décoration dont Mr. Votre Fils a été l'objet, et de vous dire que j'aurai soin qu'elle soit publiée dans la revue de l’École et dans le Livre d'Or de la Société des Élèves. Tous les anciens camarades de votre fils applaudirent avec émotion et fierté à ce dernier hommage rendu à sa valeur.

Claudel »

La notice, qui est annexée au présent travail, a paru dans le supplément à la Revue des Sciences Politiques en date du 15 Février 1918. Le Livre d'Or de la Société vient de paraître (1921) et Maurice y figure à la page 47. Enfin, une stèle a été érigée dans le préau de l’École et contient les noms des 330 anciens élèves morts pour la France.

Le Lycée Louis-le-Grand, où Maurice avait terminé ses études, m'ayant écrit pour avoir des renseignements sur sa carrière et ses derniers jours, je lui envoyai ce qu'on me demandait. En outre, le photographe Pirou, rue Royale, chargé par ce Lycée d'établir un album général des anciens élèves morts pour la France, me réclama un ancien portrait en vue d'un agrandissement. Le tout était destiné à l'établissement d'un Livre d'Or, puis un monument, non encore terminé.

Le Petit Séminaire du Rondeau-Montfleury (par La Tronche, Isère) déploya la plus grande sollicitude en vue d'honorer la mémoire des anciens élèves morts pour la France. Une très belle plaque en marbre noir, placée sur le côté gauche intérieur de l'ancienne chapelle du Sacré-Coeur, porte, inscrits en lettres d'or, les noms des 150 braves tombés à l'ennemi. Un service annuel est célébré pour le repos de leur âme et des prières fréquentes sont dites à leur intention.

Enfin, un professeur distingué du Rondeau, M. l'Abbé Huguet, a écrit et publié, à l'instigation des la Société des anciens élèves, un très beau Livre d'Or, pour perpétuer le souvenir de ceux qui sont tombés « En holocauste pour la France » pendant la grande guerre 1914-1918. Cette publication, remarquablement bien rédigée et documentée, comprend, avec leurs portraits, les noms et les photographies des 150 victimes. Maurice est sociétaire perpétuel de la Société des anciens élèves du Rondeau.

La Société Sportive Doyenne de Paris, le Stade Français, dont Maurice a fait partie jusqu'à sa mort et où il occupait, à la mobilisation, les fonctions de Capitaine de l'équipe première de Rugby, m'a demandé tous les renseignements concernant la mort de notre fils, en vue l'érection, sur leur terrain de St. Cloud, d'un monument funèbre à la mémoire des stadistes morts pour la France.
Maurice au Stade Français (sous la croix)
Maurice avait la passion bien légitime des sports, du ballon ovale en particulier. Il avait même été classé comme International, ce qui indique sa qualité. Dans le jeu, il avait trouvé l'occupation de ses loisirs, la santé, la souplesse et une force de résistance qui lui fut d'un grand secours pendant la guerre. Il mérite bien d'être inscrit en bonne place dans les annales du Stade.

J'ai terminé ce pieux et modeste hommage rendu à celui qui fut le meilleur des fils et un héroïque français. Les larmes que nous avons versées et que nous verserons encore jusqu'à notre fin ,ne comportent pas d'amertume, puisqu'une telle mort contient en elle-même des germes de consolation et d'espérance.

Maintenant que tout est fini, qu'après bien des révoltes et des murmures contre l'arrêt impitoyable de Dieu nous nous sommes soumis pour conserver intact l'espoir de retrouver notre fils un jour, il nous reste une décision à prendre sur le lieu définitif de sa sépulture.

Notre intention actuelle, confirmée par une demande officielle, est bien d'inhumer Maurice à Grenoble, dans la concession perpétuelle de la famille Salviany, près de ses ancêtres.

Mais nous hésitons, car n'est-il pas préférable de ne pas troubler son dernier sommeil, de le laisser reposer en paix dans la tombe choisie par ses frères d'armes, dans ce sol arrosé de son sang, sur ce terrain reconquis par sa vaillance ? D'autant plus que – désormais – ma propre famille est sans doute appelée à disparaître en Dauphiné.

Quel que soit le lieu qui abritera sa dépouille mortelle, nous saurons, jusqu'à notre dernier jour, y déposer le pieux tribut de nos inlassables prières et de notre inconsolable tendresse.

Tous les miens tiendront à nous imiter.

Ceux qui, pieusement, sont morts pour la patrie
ont droit qu'à leur cercueil, la foule accoure et prie.

Qu'il repose en paix.


Au verso du Memento :

**** Sa dernière citation ****

« Officier remarquable de sang-froid et de bravoure, ayant le mépris le plus absolu du danger, a remarquablement dirigé les tirs de sa section de mitrailleuses. Est tombé, mortellement frappé, à Verdun, le 28 Juin 1917, au moment où il arrêtait la progression de l'ennemi. (Croix de Guerre avec palmes) »

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Ô mon Dieu ! Il vous a plu de prendre sa jeunesse avant qu'ait sonné la fin du combat et l'heure de la victoire… Faites que son sacrifice soit utile à la Patrie.

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Il s'avançait dans la vie entouré de l'amour des siens, respecté de ses inférieurs, recherché de ses camarades, estimé des ses chefs et aimé de tous. (Saint Jérôme)

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Quand on meurt martyr de son devoir sur le champ de bataille, on se réveille dans la gloire et la béatitude (Cardinal Amette)

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Une telle mort constitue un protecteur au Ciel pour tous ceux qui le pleurent ici-bas. (Mgr. De Durfort) »

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Paris, le 2 Novembre 1921
Son père,
Commandant Léon Etienne




















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